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lundi 5 août 2013

Rappel

(vu sur G+)

Ce à propos de quoi on devrait vous informer :
  • Pourquoi les chauves souris meurent par millions
  • Pourquoi les abeilles meurent par milliards
  • Pourquoi les populations aviaires sont en chute libre
  • L'acidification des océans
  • La fonte des calottes glaciaires
  • La déforestation
  • Les dangers de la fracturation du gaz naturel
  • La pollution des sables bitumineux et ses dangers
  • La décapitation des montagnes
  • Les OGM, Monsanto et les problèmes causés par les pratiques agricoles toxiques
  • Les pénuries alimentaires potentielles à cause de la sécheresse, de l'épuisement des sols et de la chute des populations d'animaux sauvages
  • Les strates aquifères polluées et/ou épuisées
  • Comment faire pousser de la nourriture
  • Les dangers de la pollution industrielle
  • Les mensonges de votre gouvernement
  • Les mensonges du système financier
  • Comment on viole vos droits et vos libertés
  • Les centrales nucléaires vieillissantes, branlantes et endommagées
  • Les réalités de la guerre
  • Les résidus des munitions à l'uranium appauvri
  • La croissance de l'industrie pénitentiaire aux états unis
  • Les mensonges de la Guerre Aux Drogues
  • Comment en finir avec les carburants fossiles
  • La permaculture et un régime de vie durable
  • L'importance de la nourriture bio

Ce dont les médias vous parlent :
  • Qui a été tué
  • Lyndsay Lohan
  • Qui a dit quoi n'a guère d'importance
  • Kanye West et Kim Kardashyan 
  • Les poursuites en voiture
  • Justin Beiber
  • Qui divorce
  • Les exercices d'abdo de la First Lady américaine
  • Les scandales sexuels
  • Les résultats boursiers
  • Qui est homosexuel
  • Combien de voitures se vendent
  • Pathos à Washington DC
  • Le marché immobilier
  • Le pathos sportif
  • Un peu de révisionnisme historique
  • Qui a reçu un prix
  • Scandales judiciaires
  • Le prix du gaz
  • Pathos de téléréalité
  • Qu'est-ce qui est en train d'être construit
  • Des trucs permettant de maintenir subtilement la peur
  • Voyages, loisirs
  • Qui a acheté un truc cher
  • Quelle coupe de cheveux se faire faire
  • Un peu de racisme, un peu de sexisme
  • Les produits à acheter
  • Qui a eu un bébé
  • Où manger
  • Quelle couleur porter
  • Des trucs pour rester "in"

Notre civilisation mérite ce qui lui arrive.

jeudi 11 juillet 2013

"Je n'ai rien à cacher" et autre billevesées

Via les divers personnages fort intéressants dont je suis les publications, je suis tombé sur ce PDF, en anglais, intitulé "'I got nothing to hide' and other privacy misunderstandings" qui est extrêmement intéressant. L'auteur est un professeur de droit spécialisé dans la notion de "privacy" que je traduirai ici par "vie privée" même si "intimité" serait un meilleur équivalent, je pense. C'est aussi très court et, même si je vais tenter d'en faire ici une brève exégèse, je pense sincèrement que les 28 pages devraient être lues (si tant est que vous lisiez l'anglois).

Dès lors que l'on essaie défendre le droit à la vie privée, on tombe rapidement sur les mêmes litanies argumentaires :
- je n'ai rien à cacher (et seul ceux qui ont quelque chose à cacher ont à craindre)
- comment osez-vous mettre en regard votre petite vie privée en regard de la sécurité de (l'Etat, de la population du pays, des enfants, voire du monde)
- etc.
Et dans les arguments en faveur de cette défense, c'est souvent le Big Brother de G. Orwell qui sert d'épouvantail. De cette manière, l'argumentation entre les deux parties est bien verrouillée, les vaches sont bien gardées et la vie privée recule petit à petit.

Le problème, c'est de définir ce qu'est la vie privée ainsi que de réussir à extraire en quoi les atteintes à la vie privée sont dangereuses.

D'abord, la vie privée est un élément difficile à définir. Pour autant que les commentateurs politiques essaient toujours de se ramener au dictionnaire ou à l'étymologie quand il essaient d'argumenter, ce n'est pas là qu'il faut chercher. Comme tout sujet complexe, nous avons besoin d'une définition conceptuelle, définissant en détail le concept de vie privée, telle que le font les philosophes quand ils se penchent sur l'Amour, la Sécurité, la République, etc. Un sujet complexe réclame une définition complexe et non un articulet de dictionnaire, une étymologie ou trois "bullet points" sur un "slide".
Un mensonge courant (faux dilemme en fait) des argumentateurs est de limiter le sujet en disant - et quand je l'écris ainsi, on sent bien que c'est bête - "ce qui n'est pas public c'est ce que quelqu'un souhaite cacher". Ce qui sous entend un coté dissimulateur malsain à ne pas vouloir, au hasard, déclarer à la face du monde son salaire ou ses impôts, ce qu'on a mangé, quand on a fait l'amour pour la dernière fois et comment, ses petites maladies, etc. On répond souvent à ce genre d'arguments "alors pourquoi avez-vous des rideaux ?", "quel est votre salaire ?" etc. La répartie, pour toute maline qu'elle soit, ne résous pas la situation pour la simple raison qu'elle n'est que ça, une répartie, et qu'elle n'attaque pas le sentiment de malaise à l'origine du "je n'ai rien à cacher".

C'est pour cela qu'il faut donc établir les problèmes engendré par les atteintes à la vie privée. L'auteur le fait dans un article antérieur, mais il le résume ici. En gros, les atteintes ne sont pas uniques, elles sont nombreuses et la taxonomie n'est pas exhaustives mais, par opposition, permet de définir la notion de vie privée un peu plus clairement et de manière plurale:

Collecte de l'information
  • Surveillance
  • Interrogation
Analyse de l'information
  • Agrégation
  • Identification
  • Insécurité
  • Usage secondaire
  • Exclusion
  • J'ajoute : "erreurs"
Dissémination de l'information
  • Rupture de confidentialité
  • Fuite
  • Exposition
  • Accessibilité facilitée
  • Chantage
  • Appropriation
  • Distorsion
Invasion
  • Intrusion
  • Interférence décisionnelle
 Est-ce que vous voyez où on veut en venir ? Le Big Brother d'Orwell surveille et punit sur la base directe des informations collectées. C'est aujourd’hui moyenâgeux. Il y a longtemps qu'on ne traite plus l'information de cette manière. On fait désormais du "big data", c'est à dire de l'analyse statistique de données massives, de qualité faible. A l'opposé de l'analyse directe de données moins grandes mais très fiables. Cf. un article du Monde Diplomatique du mois de Juillet 2013. Big Brother ne couvre donc que la Surveillance, l'Interrogation et les punitions en cas de "chose à cacher", justement.
Non.
Le bon exemple est en fait "Le Procès", de Kafka. En résumé, ce n'est pas tant le fait que les données soient collectées, qui pose problème, mais l'usage qui en est fait derrière et l'absence totale de contrôle des gens dont les données sont collectées sur l'usage qui en est fait. Le personnage de Kafka est mis en accusation dans un tribunal, sans savoir pourquoi. Pire, on refuse de le lui dire. Il passe le roman à se battre contre une administration sourde et aveugle sur laquelle il n'a aucune prise.

Prenons un exemple plus concret (adapté du roman Little Brother, dont j'ai déjà parlé), le passe Navigo. C'est pratique : un abonnement, une carte, et fini les tickets, ça se recharge à la maison, et tout et tout. Bien. Maintenant, supposons que l'on analyse par algorithme la totalité des trajets effectués par les parisiens. On fait, par exemple, une analyse bayesienne, qui a pour but de nous sortir à quoi ressemble le "trajet moyen" d'un parisien. Un policier un peu inquiet pourrait alors se pencher sur les gens qui présentent des trajets, au contraire, opposés à ce trajet moyen. Pourquoi se comportent ils étrangement ? Ensuite, s'il s'avère qu'un trajet (non forcément extrême, hein, ceci est un second exemple) est représentatif d'un groupuscule criminel. Ben par paralogisme de composition on en vient vite à l'idée de ramasser tous les gens présentant ce type de trajet pour un petit interrogatoire...

Dans les exemples parfaitement réels, on connaît tous le STIC, ce fichier de la délinquance censé ne répertorier que les actes dûment établis et dont on sait pertinemment que la majorité des informations sont fausses... Qui en plus peut conduire des gens à perdre leur emploi (rupture de confidentialité/exposition), est utilisé par les détectives privés (fuite/chantage) et par des policiers véreux (chantage) ou des journalistes peu scrupuleux (exposition).
Plus simplement, on a tous, un jour, passé des heures et des heures avec une quelconque administration dans le but de faire corriger une misérable erreur. J'ai de ces histoires à raconter... Un ami a dû prouver qu'il était lui-même... Pas facile. Vous en avez sûrement d'aussi drôles.

Il y a aussi l'agrégation des données avec un usage secondaire. C'est un peu l'exemple du passe Navigo. Mais regardons plutôt les données mail. On sait désormais (merci M. Manach) que la France analyse en masse les métadonnées de nos communications. Pas le contenu (ils sont pas le droit) mais juste à qui vous avez envoyé, de qui vous avez reçu et à quelle date, sous quelle forme. Vous connaissez la théorie des 7 degrés de séparation. En gros, vous connaissez quelqu'un, qui connaît quelqu'un etc. qui connaît quelqu'un de célèbre. Avez-vous jamais pensé que ça marchait aussi pour vous accoler à n'importe quel criminel ?
Vous rappelez-vous la scène, dans Se7en, où les policiers analysent les fichiers de bibliothèques pour retrouver le type qui a emprunté les livres d'une liste précise ? Un "index" de livres est assez facile à produire et les gens qui lisent K. Marx sont tous des communistes actifs dangereux à surveiller... Ou le fait que les gens qui utilisent le cryptage, Tor ou TrueCrypt sont des criminels. Il est amusant, d'ailleurs, de voir comment la société traite les gens qui ont eu le courage de dénoncer des comportements secrets, cachés de ces mêmes gouvernements qui appliquent la surveillance de masse. Alors qu'on devrait tous les remercier et leur remettre une médaille pour nous pousser à l'amélioration.

Un dernier point, c'est le changement. On oublie toujours le changement. Aujourd'hui, j'ai écrit sans honte aucune sur ce blog que je suis naturiste. Militant. Doublé d'un sale écologiste, plus ou moins gaucho tendance anarchie molle. Demain, on peut très bien avoir un gouvernement bien brun qui décide de se débarrasser de ceux-ci (c'est déjà arrivé). Ou des gays. Ou des roux. Ou des gauchistes. Ou des amateurs de pizza. Ou des gens qui disent "nonméalokoi" (mais pour ces derniers c'est parce que j'aurai pris le pouvoir). Et ce jour là, on aura mis à disposition tout un tas de beaux outils... Comme la France a vendu à un certain dictateur Lybien...

L'auteur conclut qu'il sera difficile de prévenir la collecte de l'information mais, qu'en fait, le vrai problème résidant dans leur usage, il manque des instances de limitation de ces usages. Tout comme les écoutes téléphoniques doivent avoir été autorisées par des magistrats (sans trop de succès au vu des affaires régulières des fadettes qui surgissent dans Le Canard Enchaîné). La CNIL n'a presque aucun pouvoir. Il existe des instances populaires qui se placent en contre pouvoir, mais ça reste trop peu : les journaux, d'abord. Après, des gens comme EFF ou la Quadrature du Net ou encore Wikileaks, Pirate Bay, etc.

Lisez ces 28 pages.

mardi 19 mars 2013

Assez, assez.

Cet article est complet, et donc essentiel, sur le sujet.
Sexisme chez les geeks et y remédier
Et pas de TL;DR s'il vous plaît. Je vous vois venir. Vous le lisez jusqu'au bout. Même si ça vous mets mal à l'aise.

Une partie notable de la communauté geek est sexiste à un niveau gerbatoire. Elle a aussi des vieux relents de racisme, de condescendance, de rape-culture, etc. Et le reste de la communauté traite cela en mode déni, autruche ou minimisation. Bref; elle ne gère rien.

Assez.

Tout cela il faut le combattre. Quand vous voyez ce genre de comportement autour de vous, réagissez. A noter que si vous ne vous reconnaissez pas dans les comportements décriés (et c'est tant mieux), il est de votre devoir de ne pas laisser les autres faire. Le concours passif est une complicité comme les autres. Même par inaction. Ne vous y méprenez pas. En disant cela, ce n'est pas "faut être avec nous ou contre nous". La seule chose qui vous est demandée est :
Si vous voyez quelque chose, dites quelque chose !

jeudi 7 mars 2013

Il suffit de demander. Gentiment.

Amanda Palmer, ancienne moitié du groupe The Dresden Dolls, parle lors d'une conférence de TED de changer les mentalités sur le paiement de la musique et autres créations artistiques hautement distributives. En résumé : au lieu de les forcer à payer.... Demandez leur de payer. Un changement de paradigme important dans le cadre de biens transfinis. Et elle aune bonne expérience de son sujet, étant donné qu'elle est à l'origine du Kickstarter le plus réussi à ce jour.

Amanda Palmer, the Art of Asking

C'est en anglais, mais y'a un transcript disponible sur le site du TED.

Ce n'est pas parce qu'on n'en parle plus dans les médias

... que ça va mieux en Grèce. Avec notre société qui fait ressembler un poisson rouge à un champion olympique de Memory et de Mastermind, on oublie souvent que les drames, les crises et les malheurs qui font le beurre dans les épinards médiatiques continuent bien longtemps après le départ des caméras. Vous l'aviez oublié, mais pendant que l'essentiel des médias français se concentrent sur la sortie incroyablement arrogrante et suffisante de l'ex-président, des enfants meurent encore de fin en Afrique, la misère est toujours là à Haiti, Fukushima est toujours aussi radioactive et la Grèce est toujours autant dans la merde. Au final, c'est sur nous que ça me fait me poser des questions : on se lasse de se faire répéter que ça va mal, on réclame qu'un malheur chasse l'autre afin de nous divertir avant l'essentiel nouvel épisode de série télé. Récemment, une crise électrique a coupé l'électricité de plusieurs villes de banlieue. Pendant que le CHU du coin se demandait comment il allait faire survivre ses patients, que s'est il passé ? Des trouzaines de crétins se sont précipités sur Twitter pour préciser que rater l'épisode d'une série débile était le plus grand malheur de leur vie récente.
Je me rappelle il y a quelques années quand une coupure électrique avait mené à un boum démographique. heureusement, aujourd'hui, on a des smartphone et twitter pour ne pas parler à l'autre. Et bientôt les télés permettant de regarder deux programmes séparément pour au moins n'avoir rien non plus à se dire après le film.Ouf.

Bon, j'arrête là mon acrimonie, elle me fatigue moi-même. Je crois que je suis un peu las. Je vais donc revenir à l'objet initial et parler théâtre.

Vive la crise, comédie St Michel

Dans Vive La Crise, une pièce d'Alexandre Kollatos, une jeune troupe d'acteurs particulièrement dynamique nous raconte, sous la forme de tableaux, la mise à mort économique de la Grèce par les marchés financiers et les drames qui s'en sont ensuivi. Par petites touches, parfois dramatiques, parfois humoristiques, on nous conte avec une incroyable énergie l'enfoncement de la Grèce dans la misère et les délires "austéritaires" réclamés par tous (et dont un des chefs économistes du FMI a écrit, récemment, qu'en fait c'était peut être un remède pire que le mal - sans déc ?).

La pièce commence par des leaders dans un asile psychiatrique, caricatures de l'image projetée par les médias dans l'inconscient collectif. Une grèce complètement infantile, une allemagne à la Merkel autoritaire avec des relents bruns, une France faite d'un Sarko égocentrique tout en tics, une italie d'un Berlu obsédé sexuel, un FMI cupide, etc. Le tableau suivant explique plusieurs choses, tranquillou, aux touristes de la Grèce que nous sommes : un peu de société, d'histoire, le Routard à la main. Ce n'est qu'après que la pièce commence.

Les malheurs commencent. L'économie s'effondre. Papandréou, en premier de la classe ultrabrite fait passer des mesures de pire en pire. Les gens commencent à s'en aller. Pauvreté, misère, émeutes, suicides... Jusqu'à la mise à mort politique du premier ministre grec à Cannes. Et pas vraiment de sortie. Si les médias sont partis, les problèmes sont, eux, toujours là.

C'était vraiment une chouette pièce de théâtre, avec des acteurs très dynamiques (mention spéciale à l'acteur qui joue Papandréou), bien menée. La mise en scène est pleine d'idées originales. Dans un si petit espace avec autant de comédiens, l'action aurait pu devenir inintelligible mais non, l'attention est toujours concentrée au bon endroit par le jeu d'acteurs, la mise en scène, les lumières ou le texte.
Ma seule critique serait qu'il s'agit d'un réquisitoire, complètement à charge, qui nécessite l'équilibrage d'autres sources d'information. Cependant, cela fait du bien de se remettre toute cette litanie de la récession et du malheur en tête, car (cf. billet sur La Survie de l'Espèce) on est pas prêts de changer de mode de fonctionnement et c'est un peu ce qui nous attend tous.

Vive La Crise, une pièce d'Alexandre Kollatos à la Comédie St Michel jusqu'au 30 mai 2013.

jeudi 10 janvier 2013

Cleveland se bat contre des murs

Il y a quelques années, le maire de Cleveland a porté plainte contre 21 banques de Wall St. à cause du drame des subprimes, Cleveland étant l'une des villes les plus touchées par les saisies immobilières. Dans mon souvenir, il a été débouté. Le procès n'a jamais eu lieu.

Mais à quoi aurait-il ressemblé s'il s'était tenu jusqu'au bout ? C'est ce qu'a voulu découvrir le réalisateur de ce film, Jean-Stéphane Bron. Ce film est loin loin d'être une fiction. Toutes les personnes présentes sont des gens normaux et sincères. Ainsi, les plaignants sont de vrais plaignants. Les avocats sont réels. Les témoins sont réels. Le jury a été sélectionné de manière normale. Tous ont accepté de jouer le jeu pour de vrai. D'ailleurs, on y croise le policier présent sur la photographie ayant reçu le World Press Photo of the Year Award 2008... Si si.

On assiste donc à un véritable procès, sincère, réel. On peut voir le talent de l'avocat de la défense à l’œuvre (un sacré pro), la sincérité de toutes les personnes impliquées, jusqu'à la conclusion du procès qui, finalement, est assez naturelle quand on voit comment la question centrale est rédigée : Wall Street est elle coupable de la crise des subprimes ?
C'est vraiment très bien fait, très très loin des films bases sur des affaires de procès, genre l'Associé du Diable. Ici, pas de grands effets de manches, pas de retournements rocambolesques ou de témoins surprise. Chaque camp produit ses preuves et ses témoins. Les jurys discutent, le juge rend le verdict.


Non, vraiment, un must see qui permet à la fois de voir comment les subprimes immobilières ont pu dériver à ce point et comment se déroule réellement un procès. On y voit aussi à quel point vouloir mettre des jurys populaires partout est une mauvaise idée.

Cleveland Contre Wall Street Documentaire de Jean-Stéphane Bron, 98'
DVD (2011) Les Films Pelleas

mercredi 7 novembre 2012

On peut apprendre à tout âge en s'amusant

J'aime les Annales du Disque Monde depuis... Très très longtemps. En gros, il en sort dans les 2 par an, chaque année. Et chaque année je les achète et je les lis. Je viens de finir le 34è volume de la série et j'ai commencé au 5. Ca fait donc quelques années, surtout qu'en fait j'en ai lu 49 car tous ne sont pas de cette série même s'ils sont du même univers. Enfin, je disgresse et vous vous en tapez probablement. Disons que je suis avidement cette série depuis une vingtaine d'année... Et je viens de finir le dernier paru à ce jour, et c'est lui qui m'a donné envie de parler ici de cette série, parce qu'il y a matière.

Normalement, le Disque Monde est un univers médiéval fantastique. Mais, dès les tout premiers, chaque volume a servi à Pratchett comme laboratoire. L'idée est d'introduire une idée ou un comportement modernes dans un univers parfaitement établi et de regarder comment cette nouvelle idée se développe. Par exemple, comment la population d'une ville médiéval fantastique standard réagit-elle à l'arrivée du tout premier touriste ? "Vous dites qu'il est venu uniquement pour ... visiter ? Il est fou !"

Bon, on a un univers médiéval fantastique. Je passe sur les détails marrants sur la géophysique de l'univers, à savoir un monde en forme de disque, posé sur quatre éléphants, posés sur le dos d'une tortue, qui se balade dans l'espace, pour me consacrer à l'essentiel : un univers comportant des humains, des gobelins, des trolls, des nains, des vampires et des loups garous, des "Igors", une propension à se soumettre au cliché littéraire et où plus les gens croient en quelque chose, plus ce quelque chose est Vérité. Ca semble assez classique.

Maintenant, ajoutons-y une idée moderne.

Tenez : La Presse. C'est le cas dans la Vérité. Un homme décide de créer un journal, où il y écrirait les niouzes, avec une propension à vouloir dire la vérité. Bien sûr, certaines forces politiques de la ville détestent cela et cela amène à pas mal d'histoires cocasses mais, surtout, le lecteur découvre par l'exemple et avec humour les notions de censure, de liberté de la presse, de diffamation, etc.

Tenez : La Banque. C'est le cas dans Monnayé.
Tenez : La Police moderne, la Loi & l'Autorité. C'est le cas dans Guet des Orfèvres ainsi que dans Coup de Tabac.
Tenez : La Guerre, le Racisme (Coup de Tabac là aussi), le Pouvoir, l'Histoire, l'Immigration, la Religion, etc.


Bien sûr, tous les livres ne sont pas éducatifs de cette manière, mais l'univers de Pratchett dans ses détails, reste toujours moderne et évolue au fur et à mesure des volumes. Bref, cette série est vraiment une perle. Foncez*.

Coup de Tabac de Terry Pratchett chez l'Atalante (existe aussi en poche)
ISBN n°2-84172611-8

* : lisez-les en français. La traduction est excellente et en profite pour transcrire toute référence évidente pour un lecteur britannique en référence évidente pour un lecteur français. Chapeau bas, monsieur Couton.

mardi 24 juillet 2012

Hunter Stockton Thompson & Spider Jerusalem


Transmetropolitan, je pense que c'est ma BD préférée du moment. Le personnage principal est un journaliste au style direct, "gonzo", basé sur Hunter S. Thompson, tant dans la personnalité que le look (cherchez une photo de HST lors de la 'bataille d'Aspen') ou l'écriture. Au début de la bande dessinnée, il revient dans la ville, forcé de tenir une colonne. Une élection présidentielle va avoir lieu et il veut tout faire pour que "The Beast", le candidat sortant, ne soit pas réélu, au profit du "Smiler". Malheureusement, Smiler est encore pire que son prédecesseur, qui respectait encore vaguement quelques règles.
Vous vous demandez pourquoi j'en parle ? Ben parce que les bandes dessinées qui traitent de la collusion pouvoir-médias et qui plus est son bien écrits, enlevés, sans perdre de vue leur sujet, y'en a pas des tonnes. C'est le genre de BD qui vous enfonce deux doigts dans les narines pour vous coller les yeux sur la page jusqu'à ce que vous ayez fini le dernier tome, les yeux rougis par la fatigue, à des heures indues.

Transmetropolitan, Warren Ellis et Darick Robertson, chez DC Vertigo (en VO) et chez Urban Comics (en VF)

Mais pour parler de livres, je ne peux qu'évoquer avec plaisir le personnage dont Spider Jerusalem est issu. Hunter Stockton Thompson est une légende du journalisme. On a beaucoup parlé de sa personnalité borderline, avec force provocation et consommation de drogues et d'alcools. On parle trop peu de son style journalistique, sauf pour le décrire de manière un peu bizarre, un peu dénigrante. Parce qu'il est l'inventeur du style "gonzo" (ou se réclame comme tel) et a été imité jusqu'à la nausée par des tâcherons dénués de tout talent.
Ok, HST se met en scène dans ses articles, et il le fait avec un style provocateur, direct, violent, "dans ta face". Prenons l'exemple de "The Kentucky Derby is decadent and depraved", où il raconte comment il essaie de pénétrer la loge VIP. Ca se termine avec lui et son dessinateur qui fuient en bagnole, les yeux massacrés à la bombe lacrymo. On ne saura rien de la course. Sauf qu'au cours de cet article, HST parvient à décrire toutes les couches sociales présentes en détail, avec des constatations intéressantes sur le public que cet événement attire et pourquoi. Un excellent article. Et le style en fait un vrai plaisir à lire, jusqu'à son hilarante conclusion. C'est ça, HST. De l'excellent journalisme, un témoignage sur un pan assez particulier de l'Amérique d'une époque, dans un style déchaîné. Ce qu'il faut lire en priorité ce sont ses articles pour toutes sortes de journaux (Rolling Stone, National Observer, San Francisco Examiner, Playboy, Espn.com), rassemblés dans la collection des Gonzo Papers : The Great Shark Hunt, Generation of Swine, Songs of the Doomed, Better Than Sex et (je l'ajoute car il rentre dans la gamme même s'il n'en porte pas le nom) Hey Rube.
A ça s'ajoutent Fear and Loathing on the Campaign Trail '72, Fear and Loathing in Las Vegas et Hell's Angels. Sans parler de ses autres romans et de 3 films (Where the buffalo roams, Rhum Diary, F&L in Las Vegas).
Tout a été traduit en français ou est en passe de l'être, n'hésitez pas. Foncez.

vendredi 15 juin 2012

DMZ : Au plus près de la zone (démilitarisée)

Et voilà, c'est fini. Putain, j'aurai vraiment dévoré chacun des volumes de cette série comme un soiffard déshydraté face à une pinte de bière fraîche, au verre perlant de fraîcheur. Je vais d'ailleurs en profiter pour étendre le sujet à plusieurs comics parlant de la presse américaine.

DMZ, donc, est une série de comics américains créée et scénarisée par Brian Wood et illustrée par Ricardo Burchielli en majeure partie. Sous des couvertures qui claquent se cachent une histoire qui, bien que partant sur des bases friables, se développent en une vraie lettre d'amour pour New York City et ses habitants. Mais c'est aussi une bande dessinée où les personnages fricotent avec la politique, le pouvoir, les médias et n'en sortent aucunement indemne.
Dans un passé proche, le Midwest a lancé une seconde guerre civile et a conquis une part des USA, vers la côte Est, où le combat étant arrivé à un statu-quo sur l'île de Manhattan, désormais une zone démilitarisée fragile, où la population est prise dans l'étau étouffant de deux armées et de nombreux groupuscules locaux. La BD commence quand Matthew Roth, un stagiaire en journalisme, accompagne un célèbre journaliste (et accessoirement monumental trou du cul) pour un reportage à l'intérieur de la DMZ. Le susdit trou du cul se fait abattre avec ses sous-fifres par un sniper et seul Matty survit, avec une partie du matériel qu'il transportait pour l'autre. Seul relais de l'agence de niouzes au sein de la DMZ, celle-ci va le nommer sur le champ correspondant de guerre et le sommer de continuer le boulot. Au début, il va couvrir sereinement ce qui se passe et découvrir la vie au sein de l'île de Manhattan, avec ses snipers, ses factions, ses affamés, ses courageux. Par la suite, le héros découvre la censure, les jeux de pouvoirs, la politique, les collusions, les trahisons, etc. et il n'en ressortira ni propre ni indemne. Dernièrement, le 12è et dernier volume de la série vient d'être publié en anglais et achève cette superbe histoire avec la dureté d'un couperet. C'est gentillet au départ, mais ça prend carrément de l'ampleur au fur et à mesure.

A noter que Vertigo a sorti récemment en anglais un album appelé Channel Zero qui contient les graines d'idées qui germeront dans DMZ.

DMZ de Brian Wood et Ricardo Burchielli, 12 volumes en anglais chez DC Vertigo ou chez Urban Comics pour la VF



Channel Zero, Brian Wood, intégrale en 1 volume chez DC Vertigo

Puisqu'on parle de comics sur les journalistes, voici quelques autres lectures que j'ai beaucoup appréciées.J'ai déjà parlé de Joe Sacco et de Art Spiegelman, donc je ne parlerai pas d'eux ici, surtout qu'ils ne font pas dans la fiction.

D'abord, il y a le délirant, funky, déjanté, vulgaire et excellent Transmetropolitan. Dans un futur post-cyberpunk plutôt optimiste, Spider Jerusalem reprend son taf de journaliste dans le gros journal de la ville. Drogué, vindicatif, irascible mais aussi génial, cette copie conforme de Hunter Stockton Thompson va changer le visage de son pays en s'immiscant dans la politique nationale par ses tribunes au vitriol. Un humour grinçant, pas mal de répliques qui claquent et là aussi une critique de la collusion médias&politique.


Transmetropolitan, de Warren Ellis et Darick Robertson 11 volumes chez DC Vertigo ou chez Urban Comics pour la VF

Il y a aussi The Nightly News, une bande dessinée au graphisme proprement hallucinant, par Jonathan Hickman. Dans celui-ci, les médias sont submergés par un acte de violence majeur et n'arrivent pas à traiter le sujet autrement que par leur petit bout de lorgnette et c'est justement grâce à ça que la collusion média/corpos va prendre son pied.


The Nightly News, de Jonathan Hickman, chez Image Comics

Il ne me reste plus qu'à évoquer Shooting Wars. Il s'agit à l'origine d'un web comic où un vidblogger va se retrouver "embedded" dans une unité de l'armée américaine au Moyen Orient. Et forcément, ça tourne mal. Les médias indés face à la censure de la Grande Muette (l'armée) et les médias soumis. Pas forcément réussi graphiquement mais avec de belles trouvailles. Assez violent.

Shooting War, de Anthony Lappé et Dan Goldman, chez Grand Central Publishing

Il faudra un jour que je parle de la BD "Le Photographe", aussi.

mardi 22 mai 2012

Les lianes et l'eau d'Issey

Normand Baillargeon, j'aime bien ce que j'ai lu de lui.Bon, certes, j'ai pas lu foule de livres de lui. Deux. Mais le premier était vraiment une petite merveille, et l'autre était fort intéressant. Aussi, quand j'ai vu son nom au-dessus du titre "Liliane est au lycée", je n'ai pas hésité et l'ai mis dans ma besace. Après paiement à ma libraire, qui me faisait les gros yeux en me voyant l'embarquer - je suis parfois distrait.

Le sous-titre de ce livre, paru dans une collection de Flammarion que je ne connaissais pas - Antidote - est : "Est-il indispensable d'être cultivé ?"

Baillargeon (canadien) part de la constatation suivante : les librairies françaises ont des rayons entiers de bouquins dédiés à un étrange animal, à savoir la Culture Générale. Nombre d'anecdotes médiatiques font état de politiques et autres célébrités pris en flagrant délit d'inculture (Lefebvre et son amour pour Zadig&Voltaire, par exemple). A partir de là, il essaie de comprendre ce qu'est la Culture Générale au sens généralement entendu, avant de la détruire.


En fait, l'auteur n'a rien contre la culture. Bien au contraire, sa conclusion est que la culture rend l'individu meilleur et qu'elle est une nécessité absolue pour le dialogue démocratique afin d'empêcher qu'il ne se transforme en guerre de propagande et de slogans (ce à quoi je répondrais qu'on en y est déjà hélas, cf. fiches précédentes sur le Storytelling). Ce qu'il défait, à raison, c'est l'organisation et les choix faits dans la somme d'éléments appelés Culture Générale qui est uniquement composée d'éléments provenant de l'occident, avec des choix extrêmement discutables, et méprisant à la fois les sciences "dures" ainsi que les éléments populaires (dans certains milieux on s'énorgueillit d'être nul en maths ou de ne pas savoir ce qu'est l'entropie*, de n'avoir jamais lu une bande dessinée ou ne pas savoir ce qu'est un comic**). A partir de là, il reconstruit une proposition de ce que devrait comporter une culture qui se veut générale telle qu'elle améliorerait la vie des citoyens qui y accèderaient, avec des vues sur l'éducation - des enfants ainsi que populaire - sans tomber dans la tentation relativiste et autres déraillements.

Le livre est bien fait et intéressant. J'ai beaucoup apprécié ses conclusions. Par contre, j'ai trouvé très très longue la première partie, assez répétitive, parfois péremptoire et j'ai même trouvé assez ironique (était-ce voulu ?) la destruction de la notion de Culture Générale à l'aide de citations. Le cri d'amour pour la philosophie qui orne un des chapitres est lui aussi un peu longuet, mais reste intéressant.

Bref, malgré ces quelques défauts, une bonne lecture et une thèse que je ne peux que défendre, qui m'a rappelé les spectacles Inculture de F. Lepage...

Liliane est au lycée de Normand Baillargeon
chez Flammarion, ISBN n°978-2-08126426-7

* : ce qui est, comme il le dit si bien, l'équivalent scientifique de n'avoir jamais lu un vers de Shakespeare
** : A mon humble avis, la BD américaine et ses super héros sont le reflet du pays qui les as créés, comme toute culture, et sont quelque chose à connaître au moins en surface pour mieux comprendre l'esprit qui habite les Etats-Unis

lundi 3 mai 2010

Rubrique Nécrologique : Le Plan B

Mon cœur saigne. Un journal que j'avais plaisir à trouver chaque bimestre à mon kiosque (tenu par deux anars fort sympathiques) met fin à ses jours dans le silence assourdissant des Médias-Qui-Mentent. Il s'agit du Plan B, le "journal qui mord et qui fuit", rejeton de Pour Lire Pas Lu et (si j'ai bien compris) un peu de Fakir.
Le Plan B avait à cœur de rentrer dans le lard des médias français et de leur en mettre plein la pouille. Distribuant des "Laisse D'Or" chaque mois au journaliste considéré le plus servile, faisant le procès de "grands" de cet univers du copinage, dénonçant les collusions, les copinages, les renvois d'ascenseur, signalant la différence de traitement de l'actualité dans les quotidiens et fournissant des articles dont la qualité de la prose n'avait d'égal que la concentration moléculaire de l'acide ayant servi à les écrire.
J'adorais.
Il nous reste l'Acrimed et Fakir (ainsi que, en anglais, The Vile Plutocrat, dans un registre différent tout de même), mais les rangs s'éclaircissent dans le maigre groupe des journaux dignes héritiers de Hermann&Chomsky, Bourdieu.
Revenez. Vous me manquez déjà.


Quant à vous, mes rares lecteurs, pensez à acheter le dernier numéro dans votre kiosque le plus proche.

mardi 26 janvier 2010

Manifeste pour le Domaine Public

Puisque c'est à la mode, avec toutes ces lois qui sont là pour supprimer toute notion de vie privée, d'entraide et d'amitié, à savoir HADOPI, LOPPSI 2 et surtout l'innommable ACTA, lois qui ne font que démontrer la haine profonde des gouvernements actuels envers leur population, je me permets de faire passer un lien vers le manifeste pour le domaine public, que vous allez j'en suis sûr, signer.

Car LE DOMAINE PUBLIC EST LA REGLE, LE COPYRIGHT EST L'EXCEPTION. Ne l'oubliez pas.

Le site est : Public Domain Manifesto
Et vous trouverez là une version française du texte en pdf ou en odt.

Merci.

mardi 3 mars 2009

A combien estimez-vous votre cerveau ?

La question se pose sérieusement, depuis le fameux mot de Patrick Le Lay (alors PDG de TF1, 2004, in Les Dirigeants Face au Changement) : "(...) Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible." TF1 vendrait donc mon cerveau sans me fournir une part des bénéfs ? Ils diraient que leurs émissions sont le bénéf qui me revient. Sauf que j'ai pas la télé et qu'en ces temps de disettes, honnêtement, je préférerais de l'argent. Ah oui, mais mon cerveau n'est alors pas dispo, puisque les messages consuméristes ne me parviennent plus ?
Oh, ils me parviennent, ne nous inquiétons pas de ça. Rien que dans mon film préféré, Blade Runner, une publicité Coca Cola envahit l'image pendant un court moment. Court mais néanmoins présent. Si je touchais une thune à chaque panneau, placard, spot, logo ou autre qu'on me force à bouffer, je serais riche. Sur Internet, quand un cuistre me lasse, il me suffit d'un clic pour que plus jamais un de ses messages ne vienne salir mon écran. Il y a des moyens d'automatiser son mépris. Mais pas pour la publicité et le monde réel, et c'est bien dommage.
Heureusement, des trucs comme le TiVo, qui enregistrent les émissions et fardent la publicité sont une amélioration, mais ça n'ôte pas le placement de produit dans les films (entre autres).

"Il faut se dépêcher de passer d'une société tournée vers les choses à une société tournée vers les gens. Lorsque les machines et les ordinateurs, les bénéfices et les droits de propriété prennent plus d'importance que les êtres humains, on ne peut conquérir les triplés géants du racisme, du matérialisme et du militarisme."
- Martin Luther King Jr.

N'ayant pas, pas encore, lu le célèbre pamphlet de Naomi Klein, No Logo, j'ai rapidement lu le court ouvrage de Marie Bénilde sur les rapports malsains entre médias et publicité.

On achète bien les cerveaux. La publicité et les médias.
de Marie Bénilde chez Raisons d'Agir
ISBN n°972-2-912107-31-2

Ce livre est un court résumé des rapports entre la publicité et les médias. Des débuts de la publicité à sa mainmise sur la presse ou la télévision, en passant par le flicage des internautes afin de les étudier pour mieux les inonder de publicité. La publicité va jusqu'à récupérer les slogans de ses détracteurs pour vendre ses bêtises dont on n'a pas besoin, mais la formatation de la société pour ne faire de nous que le pinnacle de nos possessions est tel qu'ils peuvent se le permettre, nuisant à la critique même du sujet. Sans même parler de l'envahissement continu, qui salit nos murs, nos paysages, nos cerveaux (la bien jolie science du neuromarketing).

C'est donc un portrait d'une noirceur rare, auquel j'ai bien du mal à trouver des contre arguments afin de relativiser ce paysage de l'horreur à logo qui se dessine sous mes yeux.

Utilité au militant de gauche :
  • Ce livre résume l'évolution de l'hydre publicitaire et son envahissement de tout, partout
  • Ce livre évoque les luttes et les méthodes pour lutter qui ont servi, avec leurs résultats, mais en filigrane du texte
  • Ce livre rappelle toutes les atteintes à la personne, de toutes sorte, que représentent la publicité, chose immorale n'hésitant pas à utiliser les enfants
  • Ce livre rappelle aussi l'impuissance des forces politiques, qui se contentent éternellement de chartes, conventions et autres couenneries destinées à ne surtout pas légiférer pour mettre un terme définitif à certains comportements.
Allez, pour parler de choses plus joyeuses, je suis tombé chez mon petit libraire indépendant favori sur un petit recueil ma foi bien joli de citations de Martin Luther King Jr. d'où provient la citation qui orne ce message. Je cherchais un recueil de ses discours et sermons, mais ce n'est que partie remise.

Rêver : inspirations et paroles de Martin Luther King, Jr.
aux éditions Acropole
ISBN n°978-2-7357-0279-4

En attendant, ce livre permet d'entrevoir le grand homme qu'il était. Ces quelques formules, extraits, de ses nombreux sermons et discours ne sont pas que relatives à la lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats Unis. Cet ouvrage montre le grand humaniste, empreint d'une vision claire de ce que doit être le rapport entre les hommes.
Ce trop court opuscule, joliment présenté, ne m'a donné que plus envie de mettre la main sur un recueil de textes complets.

Utilité au militant de gauche : ce livre permet de ne pas oublier qu'une société, c'est avant tout des hommes, que tout ce qui fonde cette société devrait être au service des hommes et non l'inverse, quelle que soit leur origine, couleur de peau, langage, situation sociale, ou autre.

vendredi 19 décembre 2008

Fabrication de l'opinion et propagande en démocratie

Le titre va forcément allumer de nombreuses lumières rouges dans le cerveau des lecteurs les plus conservateurs de ce blog. Et pourtant, quelques drames récents ont montré que la presse et les média ont de gros défauts quant à leurs choix de titres. On repensera juste à l'arène médiatique sur les armes de destruction massive en Irak, dont les articles de presse américain ont aidé une opinion publique à aller jusqu'à une guerre sur la seule base de rapports frelatés en provenance directe d'où ? Du gouvernement. Pas de vérifications de sources, juste des appels à la guerre, très peu de questionnement. Quelles qu'en soient les origines, c'est de médias, donc, qu'on va parler avec deux célèbres ouvrages, fort contestés.

Voici le premier, qui est certainement une lecture fondamentale :
La Fabrication du Consentement - De la propagande médiatique en démocratie
de Edward Herman & Noam Chomsky
Agone 2008, collection contre feux
ISBN 978-2-7489-0072-9
(Précédemment édité par Le Serpent à Plumes sous le titre "La Fabrique de l'Opinion")

Oh que cet ouvrage a fait couler d'encre bilieuse sur le papier quadrichromie sur les deux continents. Oh que cet auteur aussi. Bon, déjà les imbéciles ressortirons l'affaire Faurisson à propos de Chomsky. Je leur répondrai que c'est un argument
Ad Hominem, donc invalide, et qui plus est complètement faux. Il n'y a vraiment que quelques français à ne pas l'avoir pigé. Même les américains les plus anti-Chomsky l'ont pigé y'a déjà longtemps. Grandissez, un peu.

Passons, donc, aux choses sérieuses.
Cet ouvrage présente ce que ses auteurs appellent "le modèle de propagande", il s'agit simplement d'une convergence d'intérêts entre les journalistes, les rédactions, les propriétaires, les annonceurs et les lecteurs. Le modèle démonte de manière assez simple ces mécanismes. Essayons de résumer :
  • Il y a bien longtemps que la plupart des grands journaux ne vivent plus par leurs ventes ou leurs abonnements. L'argent engrangé de cette manière n'arrive pas à payer les coûts de production, de distribution, de destruction des invendus, etc.
  • L'argent manquant provient essentiellement de deux sources : le propriétaire en bailleur de fonds, les annonceurs. Même avec leur aide, les journaux sont régulièrement en perte.
  • Les lecteurs, aussi jouent leur rôle de pression. En effet, même si l'argent fourni n'est pas suffisant pour faire vivre le journal, leur nombre permet de justifier les factures faites aux annonceurs. L'important est donc que le journal soit lu.
  • Les informateurs : difficile d'informer à partir de rien. Quoique les mauvaises langues diront que ça n'a jamais rien empêché...
  • Evidemment, le journaliste est aussi un moyen de pression sur lui-même, simplement parce qu'il est doté d'opinions. Un journaliste qui écrit dans un journal de droite n'a pas les mêmes sensibilités qu'un journaliste qui écrit dans un journal de gauche. Et, de fait, par ses propres opinions, il a l'impression d'écrire ce qu'il choisit d'écrire, comme lui chante. Mais c'est normal d'avoir l'impression d'être libre quand on est d'accord avec la ligne éditoriale...
A partir de ces points d'entrée, Herman et Chomsky définissent cinq filtres qui vont agir sur le traitement de l'information dans le médium (un médium, des média, non ?). Les voici:
  • La propriété : le propriétaire du journal est un poids économique certain à l'heure où les journaux ont des problèmes directs de survie. Moindre publication d'articles allant à l'encontre du propriétaire, donc.
  • Le budget : les journaux ne vivent plus de leur lectorat depuis bien longtemps, et la publicité est la véritable manne (mais l'argument serait déplaçable aux lecteurs si c'était le cas). Moindre publication d'articles allant à l'encontre des sponsors.
  • Les sources d'information : il se trouve que l'information provient d'une symbiose entre les sources d'information et les média. Enormément de ces informations proviennent d'agences gouvernementales et sont indispensables ou aident grandement le journal. Par exemple, donner des opportunités de photo, programmer les conférences de presse en accord avec les deadlines, fournir les statistiques et rapports, compte-rendus, etc. Moindre publication d'articles allant à l'encontre des sources d'information.
  • Flak (terme d'argot pour désigner le pognon et le pouvoir) : les puissants peuvent faire pression sur un media par de nombreux moyen directs ou indirects. Moindre publication d'articles écornant les puissants.
  • "anti-" idéologies : il est plus facile d'exploiter la peur populaire que de tenter de relativiser ou d'aller, surtout, à contre courant. Par exemple, écrire des articles crachant sur Saddam Hussein quelques semaines avant la seconde guerre du golfe ne présentait pas de difficulté majeures, ou un article anti-français (on se rappelle les "freedom fries" ?). Moindre publication d'articles à contre-courant.
Evidemment, quelqu'un, surtout un journaliste, à qui vous parleriez de ces filtres vous répondrait probablement selon trois lignes :
La première est l'attaque ad hominem sur Chomsky déjà décrite plus haut et à ignorer (une attaque ad hominem est un paralogisme, pas un argument).

La seconde, c'est l'habituel "mais moi je suis en liberté, j'écris ce que je veux". A cela, quoi de mieux que la réponse de Chomsky : "I don't say you're self-censoring - I'm sure you believe everything you're saying; but what I'm saying is, if you believed something different, you wouldn't be sitting where you're sitting."
(Traduction : Je ne dis pas que vous vous auto-censurez, je suis sûr que vous croyez tout ce que vous dites; mais ce que je dis c'est que si vous croyiez quelque chose de différent, vous ne seriez pas assis où vous l'êtes.) (1)

La troisième, enfin, consiste à balayer tout cela d'un revers de main en disant "théorie du complot". Normalement, il y a une poussée de menton ou un ton un peu condescendant. Cet argument de la théorie du complot est fascinant, car il ne nécessite pas d'arguments, apparemment. Il se suffirait à lui-même. "Théorie du complot", hop, passons à autre chose. Pourtant, il faut démontrer que Herman et Chomsky présentent une théorie du complot pour que cet argument soit valide. Or ce n'est pas le cas. Les auteurs présentent une somme d'intérêts convergents ou chacun va agir dans la direction qui semble la meilleure dans le cadre de ses intérêts proches. Nul complot, nulle organisation. Simplement le désir de survie ou la meilleure opportunité ou l'envie de fainéantise, de chacun des acteurs concernés.

Le reste de l'ouvrage est consacré à nombre d'exemples très détaillés de traitement différents de cas similaires par les même médias, à l'appui de l'ouvrage.

(1) : Interview by Andrew Marr on BBC2, February 14, 1996