Il y a bien longtemps, les Corbeaux m'avaient conseillé de lire le livre de David Simon. J'ai jamais réussi à regarder le premier épisode de The Wire en entier, malgré plusieurs tentatives, alors bon... J'ai laissé un peu traîner. Et puis il est sorti en poche et j'avais envie de lire du bon gros polar qui tâche.
Pendant un an, David Simon, alors jeune reporter au Baltimore Sun décide de prendre une année sabbatique pour la passer en tant que "stagiaire de la police" au sein de la brigade criminelle de Baltimore, alors une des villes les plus violentes des USA, avec près d'un mort par jour.
Il y suit de près une équipe d'une vingtaine de personnes au cours de leurs enquêtes mais aussi au sein de leur brigade : leurs équipes, les coups politiques, les bitures au bar après le service, les engueulades, les réconciliations. Dans les rues, ça sent la mort, ça deale, ça tue, ça crève. Dans les bureaux, ça sent la bière rance et le vestiaire sans fenêtres. Simon n'a pas son pareil pour nous amener à la rencontre de ses camarades d'une année difficile. Au cours des enquêtes, il nous présente chaque inspecteur, chaque supérieur. Ce ne sont pas des personnages. Ce sont des êtres humains qui font l'un des boulots les plus difficile de la planète. Simon s'acharne aussi à détruire toutes nos habitudes, toutes nos attentes, en manière de polar. Le crime parfait existe. Les méchants sont souvent impunis. Les empreintes sont très rares et ne prouvent souvent rien. Les jurés sont rarement malins et le doute est toujours raisonnable à leurs yeux. Etc.
Il en extrait aussi un ensemble de règles de l'enquête criminelle : "tout le monde ment.", "La victime n'est tuée qu'une fois. La scène du crime peut être assassinée mille fois.", etc. Toute ces règles et ce panorama d'une année à vivre la criminelle de l'intérieur seront le matériel premier du succès de ses séries policières postérieures.
Aussi, les différentes postfaces écrites lors de rééditions permettent à Simon de revenir sur son travail et à un des membres de la brigade de donner son avis, bien après la sortie du livre. Une réponse essentielle à la question qui se pose toujours dans ce genre de cas : "et, après, que sont ils devenus ?"
Bref, c'est une grosse grosse claque dans la gueule de Sherlock Holmes et des médiocres séries type Les Experts, ainsi que dans tous les polars à la Colombo. Non, vous n'apprenez pas qui est l'auteur du crime le plus horrible de tous le livre, car il n'est pas résolu (et ne le sera jamais). Le lecteur ne peut pas refermer le livre la conscience tranquille, les méchants d'un coté des barreaux et lui de l'autre. Le lecteur aura rarement le mobile du crime et, s'il le mobile existe, il est rarement intelligent. Etc.
Au delà de cela, le livre est extrêmement bien écrit, dans un style journalistique, et se dévore rapidement. J'ai rarement plié un pavé de 1000 pages aussi vite. Un livre à lire absolument si on est fan de polar, histoire d'avoir enfin un aperçu du réel. Un livre à lire absolument quand on vote pour toujours plus d'ordre et de sécurité, afin d'avoir là aussi, enfin, un aperçu du réel.
Fiches de lectures de divers livres, d'une utilité discutable mais néanmoins présente, à l'usage du lecteur de gauche.
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lundi 14 avril 2014
jeudi 11 juillet 2013
"Je n'ai rien à cacher" et autre billevesées
Via les divers personnages fort intéressants dont je suis les publications, je suis tombé sur ce PDF, en anglais, intitulé "'I got nothing to hide' and other privacy misunderstandings" qui est extrêmement intéressant. L'auteur est un professeur de droit spécialisé dans la notion de "privacy" que je traduirai ici par "vie privée" même si "intimité" serait un meilleur équivalent, je pense. C'est aussi très court et, même si je vais tenter d'en faire ici une brève exégèse, je pense sincèrement que les 28 pages devraient être lues (si tant est que vous lisiez l'anglois).
Dès lors que l'on essaie défendre le droit à la vie privée, on tombe rapidement sur les mêmes litanies argumentaires :
- je n'ai rien à cacher (et seul ceux qui ont quelque chose à cacher ont à craindre)
- comment osez-vous mettre en regard votre petite vie privée en regard de la sécurité de (l'Etat, de la population du pays, des enfants, voire du monde)
- etc.
Et dans les arguments en faveur de cette défense, c'est souvent le Big Brother de G. Orwell qui sert d'épouvantail. De cette manière, l'argumentation entre les deux parties est bien verrouillée, les vaches sont bien gardées et la vie privée recule petit à petit.
Le problème, c'est de définir ce qu'est la vie privée ainsi que de réussir à extraire en quoi les atteintes à la vie privée sont dangereuses.
D'abord, la vie privée est un élément difficile à définir. Pour autant que les commentateurs politiques essaient toujours de se ramener au dictionnaire ou à l'étymologie quand il essaient d'argumenter, ce n'est pas là qu'il faut chercher. Comme tout sujet complexe, nous avons besoin d'une définition conceptuelle, définissant en détail le concept de vie privée, telle que le font les philosophes quand ils se penchent sur l'Amour, la Sécurité, la République, etc. Un sujet complexe réclame une définition complexe et non un articulet de dictionnaire, une étymologie ou trois "bullet points" sur un "slide".
Un mensonge courant (faux dilemme en fait) des argumentateurs est de limiter le sujet en disant - et quand je l'écris ainsi, on sent bien que c'est bête - "ce qui n'est pas public c'est ce que quelqu'un souhaite cacher". Ce qui sous entend un coté dissimulateur malsain à ne pas vouloir, au hasard, déclarer à la face du monde son salaire ou ses impôts, ce qu'on a mangé, quand on a fait l'amour pour la dernière fois et comment, ses petites maladies, etc. On répond souvent à ce genre d'arguments "alors pourquoi avez-vous des rideaux ?", "quel est votre salaire ?" etc. La répartie, pour toute maline qu'elle soit, ne résous pas la situation pour la simple raison qu'elle n'est que ça, une répartie, et qu'elle n'attaque pas le sentiment de malaise à l'origine du "je n'ai rien à cacher".
C'est pour cela qu'il faut donc établir les problèmes engendré par les atteintes à la vie privée. L'auteur le fait dans un article antérieur, mais il le résume ici. En gros, les atteintes ne sont pas uniques, elles sont nombreuses et la taxonomie n'est pas exhaustives mais, par opposition, permet de définir la notion de vie privée un peu plus clairement et de manière plurale:
Non.
Le bon exemple est en fait "Le Procès", de Kafka. En résumé, ce n'est pas tant le fait que les données soient collectées, qui pose problème, mais l'usage qui en est fait derrière et l'absence totale de contrôle des gens dont les données sont collectées sur l'usage qui en est fait. Le personnage de Kafka est mis en accusation dans un tribunal, sans savoir pourquoi. Pire, on refuse de le lui dire. Il passe le roman à se battre contre une administration sourde et aveugle sur laquelle il n'a aucune prise.
Prenons un exemple plus concret (adapté du roman Little Brother, dont j'ai déjà parlé), le passe Navigo. C'est pratique : un abonnement, une carte, et fini les tickets, ça se recharge à la maison, et tout et tout. Bien. Maintenant, supposons que l'on analyse par algorithme la totalité des trajets effectués par les parisiens. On fait, par exemple, une analyse bayesienne, qui a pour but de nous sortir à quoi ressemble le "trajet moyen" d'un parisien. Un policier un peu inquiet pourrait alors se pencher sur les gens qui présentent des trajets, au contraire, opposés à ce trajet moyen. Pourquoi se comportent ils étrangement ? Ensuite, s'il s'avère qu'un trajet (non forcément extrême, hein, ceci est un second exemple) est représentatif d'un groupuscule criminel. Ben par paralogisme de composition on en vient vite à l'idée de ramasser tous les gens présentant ce type de trajet pour un petit interrogatoire...
Dans les exemples parfaitement réels, on connaît tous le STIC, ce fichier de la délinquance censé ne répertorier que les actes dûment établis et dont on sait pertinemment que la majorité des informations sont fausses... Qui en plus peut conduire des gens à perdre leur emploi (rupture de confidentialité/exposition), est utilisé par les détectives privés (fuite/chantage) et par des policiers véreux (chantage) ou des journalistes peu scrupuleux (exposition).
Plus simplement, on a tous, un jour, passé des heures et des heures avec une quelconque administration dans le but de faire corriger une misérable erreur. J'ai de ces histoires à raconter... Un ami a dû prouver qu'il était lui-même... Pas facile. Vous en avez sûrement d'aussi drôles.
Il y a aussi l'agrégation des données avec un usage secondaire. C'est un peu l'exemple du passe Navigo. Mais regardons plutôt les données mail. On sait désormais (merci M. Manach) que la France analyse en masse les métadonnées de nos communications. Pas le contenu (ils sont pas le droit) mais juste à qui vous avez envoyé, de qui vous avez reçu et à quelle date, sous quelle forme. Vous connaissez la théorie des 7 degrés de séparation. En gros, vous connaissez quelqu'un, qui connaît quelqu'un etc. qui connaît quelqu'un de célèbre. Avez-vous jamais pensé que ça marchait aussi pour vous accoler à n'importe quel criminel ?
Vous rappelez-vous la scène, dans Se7en, où les policiers analysent les fichiers de bibliothèques pour retrouver le type qui a emprunté les livres d'une liste précise ? Un "index" de livres est assez facile à produire et les gens qui lisent K. Marx sont tous des communistes actifs dangereux à surveiller... Ou le fait que les gens qui utilisent le cryptage, Tor ou TrueCrypt sont des criminels. Il est amusant, d'ailleurs, de voir comment la société traite les gens qui ont eu le courage de dénoncer des comportements secrets, cachés de ces mêmes gouvernements qui appliquent la surveillance de masse. Alors qu'on devrait tous les remercier et leur remettre une médaille pour nous pousser à l'amélioration.
Un dernier point, c'est le changement. On oublie toujours le changement. Aujourd'hui, j'ai écrit sans honte aucune sur ce blog que je suis naturiste. Militant. Doublé d'un sale écologiste, plus ou moins gaucho tendance anarchie molle. Demain, on peut très bien avoir un gouvernement bien brun qui décide de se débarrasser de ceux-ci (c'est déjà arrivé). Ou des gays. Ou des roux. Ou des gauchistes. Ou des amateurs de pizza. Ou des gens qui disent "nonméalokoi" (mais pour ces derniers c'est parce que j'aurai pris le pouvoir). Et ce jour là, on aura mis à disposition tout un tas de beaux outils... Comme la France a vendu à un certain dictateur Lybien...
L'auteur conclut qu'il sera difficile de prévenir la collecte de l'information mais, qu'en fait, le vrai problème résidant dans leur usage, il manque des instances de limitation de ces usages. Tout comme les écoutes téléphoniques doivent avoir été autorisées par des magistrats (sans trop de succès au vu des affaires régulières des fadettes qui surgissent dans Le Canard Enchaîné). La CNIL n'a presque aucun pouvoir. Il existe des instances populaires qui se placent en contre pouvoir, mais ça reste trop peu : les journaux, d'abord. Après, des gens comme EFF ou la Quadrature du Net ou encore Wikileaks, Pirate Bay, etc.
Lisez ces 28 pages.
Dès lors que l'on essaie défendre le droit à la vie privée, on tombe rapidement sur les mêmes litanies argumentaires :
- je n'ai rien à cacher (et seul ceux qui ont quelque chose à cacher ont à craindre)
- comment osez-vous mettre en regard votre petite vie privée en regard de la sécurité de (l'Etat, de la population du pays, des enfants, voire du monde)
- etc.
Et dans les arguments en faveur de cette défense, c'est souvent le Big Brother de G. Orwell qui sert d'épouvantail. De cette manière, l'argumentation entre les deux parties est bien verrouillée, les vaches sont bien gardées et la vie privée recule petit à petit.
Le problème, c'est de définir ce qu'est la vie privée ainsi que de réussir à extraire en quoi les atteintes à la vie privée sont dangereuses.
D'abord, la vie privée est un élément difficile à définir. Pour autant que les commentateurs politiques essaient toujours de se ramener au dictionnaire ou à l'étymologie quand il essaient d'argumenter, ce n'est pas là qu'il faut chercher. Comme tout sujet complexe, nous avons besoin d'une définition conceptuelle, définissant en détail le concept de vie privée, telle que le font les philosophes quand ils se penchent sur l'Amour, la Sécurité, la République, etc. Un sujet complexe réclame une définition complexe et non un articulet de dictionnaire, une étymologie ou trois "bullet points" sur un "slide".
Un mensonge courant (faux dilemme en fait) des argumentateurs est de limiter le sujet en disant - et quand je l'écris ainsi, on sent bien que c'est bête - "ce qui n'est pas public c'est ce que quelqu'un souhaite cacher". Ce qui sous entend un coté dissimulateur malsain à ne pas vouloir, au hasard, déclarer à la face du monde son salaire ou ses impôts, ce qu'on a mangé, quand on a fait l'amour pour la dernière fois et comment, ses petites maladies, etc. On répond souvent à ce genre d'arguments "alors pourquoi avez-vous des rideaux ?", "quel est votre salaire ?" etc. La répartie, pour toute maline qu'elle soit, ne résous pas la situation pour la simple raison qu'elle n'est que ça, une répartie, et qu'elle n'attaque pas le sentiment de malaise à l'origine du "je n'ai rien à cacher".
C'est pour cela qu'il faut donc établir les problèmes engendré par les atteintes à la vie privée. L'auteur le fait dans un article antérieur, mais il le résume ici. En gros, les atteintes ne sont pas uniques, elles sont nombreuses et la taxonomie n'est pas exhaustives mais, par opposition, permet de définir la notion de vie privée un peu plus clairement et de manière plurale:
Collecte de l'information
- Surveillance
- Interrogation
Analyse de l'information
- Agrégation
- Identification
- Insécurité
- Usage secondaire
- Exclusion
- J'ajoute : "erreurs"
Dissémination de l'information
- Rupture de confidentialité
- Fuite
- Exposition
- Accessibilité facilitée
- Chantage
- Appropriation
- Distorsion
Invasion
- Intrusion
- Interférence décisionnelle
Non.
Le bon exemple est en fait "Le Procès", de Kafka. En résumé, ce n'est pas tant le fait que les données soient collectées, qui pose problème, mais l'usage qui en est fait derrière et l'absence totale de contrôle des gens dont les données sont collectées sur l'usage qui en est fait. Le personnage de Kafka est mis en accusation dans un tribunal, sans savoir pourquoi. Pire, on refuse de le lui dire. Il passe le roman à se battre contre une administration sourde et aveugle sur laquelle il n'a aucune prise.
Prenons un exemple plus concret (adapté du roman Little Brother, dont j'ai déjà parlé), le passe Navigo. C'est pratique : un abonnement, une carte, et fini les tickets, ça se recharge à la maison, et tout et tout. Bien. Maintenant, supposons que l'on analyse par algorithme la totalité des trajets effectués par les parisiens. On fait, par exemple, une analyse bayesienne, qui a pour but de nous sortir à quoi ressemble le "trajet moyen" d'un parisien. Un policier un peu inquiet pourrait alors se pencher sur les gens qui présentent des trajets, au contraire, opposés à ce trajet moyen. Pourquoi se comportent ils étrangement ? Ensuite, s'il s'avère qu'un trajet (non forcément extrême, hein, ceci est un second exemple) est représentatif d'un groupuscule criminel. Ben par paralogisme de composition on en vient vite à l'idée de ramasser tous les gens présentant ce type de trajet pour un petit interrogatoire...
Dans les exemples parfaitement réels, on connaît tous le STIC, ce fichier de la délinquance censé ne répertorier que les actes dûment établis et dont on sait pertinemment que la majorité des informations sont fausses... Qui en plus peut conduire des gens à perdre leur emploi (rupture de confidentialité/exposition), est utilisé par les détectives privés (fuite/chantage) et par des policiers véreux (chantage) ou des journalistes peu scrupuleux (exposition).
Plus simplement, on a tous, un jour, passé des heures et des heures avec une quelconque administration dans le but de faire corriger une misérable erreur. J'ai de ces histoires à raconter... Un ami a dû prouver qu'il était lui-même... Pas facile. Vous en avez sûrement d'aussi drôles.
Il y a aussi l'agrégation des données avec un usage secondaire. C'est un peu l'exemple du passe Navigo. Mais regardons plutôt les données mail. On sait désormais (merci M. Manach) que la France analyse en masse les métadonnées de nos communications. Pas le contenu (ils sont pas le droit) mais juste à qui vous avez envoyé, de qui vous avez reçu et à quelle date, sous quelle forme. Vous connaissez la théorie des 7 degrés de séparation. En gros, vous connaissez quelqu'un, qui connaît quelqu'un etc. qui connaît quelqu'un de célèbre. Avez-vous jamais pensé que ça marchait aussi pour vous accoler à n'importe quel criminel ?
Vous rappelez-vous la scène, dans Se7en, où les policiers analysent les fichiers de bibliothèques pour retrouver le type qui a emprunté les livres d'une liste précise ? Un "index" de livres est assez facile à produire et les gens qui lisent K. Marx sont tous des communistes actifs dangereux à surveiller... Ou le fait que les gens qui utilisent le cryptage, Tor ou TrueCrypt sont des criminels. Il est amusant, d'ailleurs, de voir comment la société traite les gens qui ont eu le courage de dénoncer des comportements secrets, cachés de ces mêmes gouvernements qui appliquent la surveillance de masse. Alors qu'on devrait tous les remercier et leur remettre une médaille pour nous pousser à l'amélioration.
Un dernier point, c'est le changement. On oublie toujours le changement. Aujourd'hui, j'ai écrit sans honte aucune sur ce blog que je suis naturiste. Militant. Doublé d'un sale écologiste, plus ou moins gaucho tendance anarchie molle. Demain, on peut très bien avoir un gouvernement bien brun qui décide de se débarrasser de ceux-ci (c'est déjà arrivé). Ou des gays. Ou des roux. Ou des gauchistes. Ou des amateurs de pizza. Ou des gens qui disent "nonméalokoi" (mais pour ces derniers c'est parce que j'aurai pris le pouvoir). Et ce jour là, on aura mis à disposition tout un tas de beaux outils... Comme la France a vendu à un certain dictateur Lybien...
L'auteur conclut qu'il sera difficile de prévenir la collecte de l'information mais, qu'en fait, le vrai problème résidant dans leur usage, il manque des instances de limitation de ces usages. Tout comme les écoutes téléphoniques doivent avoir été autorisées par des magistrats (sans trop de succès au vu des affaires régulières des fadettes qui surgissent dans Le Canard Enchaîné). La CNIL n'a presque aucun pouvoir. Il existe des instances populaires qui se placent en contre pouvoir, mais ça reste trop peu : les journaux, d'abord. Après, des gens comme EFF ou la Quadrature du Net ou encore Wikileaks, Pirate Bay, etc.
Lisez ces 28 pages.
jeudi 28 février 2013
Jours de désespoir, jours de colère
Ca faisait très longtemps que je n'avais pas lu un livre me mettant autant mal à l'aise, mis à part La Servante Ecarlate, que je n'ai pas encore fini (pour cette raison, d'ailleurs) et dont je reparlerai. A la différence de ce dernier, cependant, le livre de Chris Hedges et Joe Sacco n'est pas une fiction. Il n'a rien d'une fiction. Et il est terrifiant. A coté de ce livre, Soleil Vert vous propulse dans un futur assez joyeux et enthousiaste.
Jours de destruction, jours de révolte est une série de 5 reportages faits par Chris Hedges et Joe Sacco. L'essentiel de la rédaction est accomplie par le premier, quand le second narre sous forme de BD quelques uns des témoignages ou illustre le texte. Ne vous y trompez pas : les illustrations et la forme dessinée sont tout autant terribles. Les quatre premiers reportages nous font visiter quatre lieux des Etats-Unis d'Amérique, quatre catastrophes humaines et/ou environnementales, quatre drames du rêve capitaliste. Tous ne sont pas dénués d'espoir mais on voit bien qu'il est difficile d'espérer contre un système omnidestructeur.
Premier arrêt, Pine Ridge, SD où plusieurs peuples ont été volés, spoliés et massacrés pour, enfin, être désormais laissés pour compte et abandonnés à crever comme des chiens sur le bord d'une autoroute estivale, dans un mélange de pauvreté et de désespoir, mâtiné de violence, de prostitution et de drogue. Ces derniers maux sont une constante sur un terreau aussi fertile pour eux.
Second arrêt, Camden, NJ. Une des villes les plus pauvres des USA, alors qu'elle fut très riche. Là aussi, avec ses ressources phagocytées par les élites mauvaises, les opérations de sauvetage n'ont fait au final qu'engraisser les destructeurs de la ville. Pauvreté, pillage, prostitution, drogue... Et l'avenir ne s'annonce guère radieux.
Troisième arrêt, Welch, WV, où les compagnies minières de charbonnage font carrément exploser les montagnes pour récolter le chabon à ciel ouvert. Les destruction sont visibles sur Google Maps si vous cherchez, tellement le paysage est ravagé mais les images satellites ne montrent pas toutes les boues toxiques, les poussières cancérigènes et toutes les saloperies qui pourrissent la vie des locaux, pris à la gorge entre des compagnies toutes puissantes et des élus achetés via les dons aux campagnes électorales.
Quatrième arrêt, peut être le pire mais aussi celui qui est étrangement porteur d'une lueur d'espoir, Immokalee, FL. Ici, ce sont les immigrés clandestins qui vivent dans des conditions difficile à différencier du pur et simple esclavage. Dénués de droits faute de papier, ils sont emportés dans un système qui les enferme dans la misère, l'exploitation. Ils gagnent un salaire, mais celui-ci est rongés par les marchands de sommeils et tous les vautours autour, les maintenant dans la pauvreté, prolongeant la durée de vie du système. Une horreur inhumaine et sans nom. Il me semble d'ailleurs que l'esclavagisme était listé comme crime contre l'Humanité. Alors d'accord, ils sont payés, mais c'est un nuage de poudre aux yeux. La lueur d'espoir ? Ils ont commencé à s'organiser et à faire des actions coup de poing qui leur ont permis de ne pas voir leur salaires encore baisser...
Cinquième arrêt, New York, NY. Les auteurs rejoignent le mouvement Occuppy Wall Street, porteuse d'espoir et de révolte. On sait malheureusement ce qui est advenu à cette vague d'espoir, et l'enthousiasme des auteurs en 2011 n'est pas partagé par le lecteur de 2013.
Un livre qui m'a mis dans une rogne noire.
Jours de destruction, jours de révolte de Chris Hedges et Joe Sacco
ISBN n°2754808760 chez Futuropolis
Jours de destruction, jours de révolte est une série de 5 reportages faits par Chris Hedges et Joe Sacco. L'essentiel de la rédaction est accomplie par le premier, quand le second narre sous forme de BD quelques uns des témoignages ou illustre le texte. Ne vous y trompez pas : les illustrations et la forme dessinée sont tout autant terribles. Les quatre premiers reportages nous font visiter quatre lieux des Etats-Unis d'Amérique, quatre catastrophes humaines et/ou environnementales, quatre drames du rêve capitaliste. Tous ne sont pas dénués d'espoir mais on voit bien qu'il est difficile d'espérer contre un système omnidestructeur.
Premier arrêt, Pine Ridge, SD où plusieurs peuples ont été volés, spoliés et massacrés pour, enfin, être désormais laissés pour compte et abandonnés à crever comme des chiens sur le bord d'une autoroute estivale, dans un mélange de pauvreté et de désespoir, mâtiné de violence, de prostitution et de drogue. Ces derniers maux sont une constante sur un terreau aussi fertile pour eux.
Second arrêt, Camden, NJ. Une des villes les plus pauvres des USA, alors qu'elle fut très riche. Là aussi, avec ses ressources phagocytées par les élites mauvaises, les opérations de sauvetage n'ont fait au final qu'engraisser les destructeurs de la ville. Pauvreté, pillage, prostitution, drogue... Et l'avenir ne s'annonce guère radieux.
Troisième arrêt, Welch, WV, où les compagnies minières de charbonnage font carrément exploser les montagnes pour récolter le chabon à ciel ouvert. Les destruction sont visibles sur Google Maps si vous cherchez, tellement le paysage est ravagé mais les images satellites ne montrent pas toutes les boues toxiques, les poussières cancérigènes et toutes les saloperies qui pourrissent la vie des locaux, pris à la gorge entre des compagnies toutes puissantes et des élus achetés via les dons aux campagnes électorales.
Quatrième arrêt, peut être le pire mais aussi celui qui est étrangement porteur d'une lueur d'espoir, Immokalee, FL. Ici, ce sont les immigrés clandestins qui vivent dans des conditions difficile à différencier du pur et simple esclavage. Dénués de droits faute de papier, ils sont emportés dans un système qui les enferme dans la misère, l'exploitation. Ils gagnent un salaire, mais celui-ci est rongés par les marchands de sommeils et tous les vautours autour, les maintenant dans la pauvreté, prolongeant la durée de vie du système. Une horreur inhumaine et sans nom. Il me semble d'ailleurs que l'esclavagisme était listé comme crime contre l'Humanité. Alors d'accord, ils sont payés, mais c'est un nuage de poudre aux yeux. La lueur d'espoir ? Ils ont commencé à s'organiser et à faire des actions coup de poing qui leur ont permis de ne pas voir leur salaires encore baisser...
Cinquième arrêt, New York, NY. Les auteurs rejoignent le mouvement Occuppy Wall Street, porteuse d'espoir et de révolte. On sait malheureusement ce qui est advenu à cette vague d'espoir, et l'enthousiasme des auteurs en 2011 n'est pas partagé par le lecteur de 2013.
Un livre qui m'a mis dans une rogne noire.
Jours de destruction, jours de révolte de Chris Hedges et Joe Sacco
ISBN n°2754808760 chez Futuropolis
jeudi 10 janvier 2013
Cleveland se bat contre des murs
Il y a quelques années, le maire de Cleveland a porté plainte contre 21 banques de Wall St. à cause du drame des subprimes, Cleveland étant l'une des villes les plus touchées par les saisies immobilières. Dans mon souvenir, il a été débouté. Le procès n'a jamais eu lieu.
Mais à quoi aurait-il ressemblé s'il s'était tenu jusqu'au bout ? C'est ce qu'a voulu découvrir le réalisateur de ce film, Jean-Stéphane Bron. Ce film est loin loin d'être une fiction. Toutes les personnes présentes sont des gens normaux et sincères. Ainsi, les plaignants sont de vrais plaignants. Les avocats sont réels. Les témoins sont réels. Le jury a été sélectionné de manière normale. Tous ont accepté de jouer le jeu pour de vrai. D'ailleurs, on y croise le policier présent sur la photographie ayant reçu le World Press Photo of the Year Award 2008... Si si.
On assiste donc à un véritable procès, sincère, réel. On peut voir le talent de l'avocat de la défense à l’œuvre (un sacré pro), la sincérité de toutes les personnes impliquées, jusqu'à la conclusion du procès qui, finalement, est assez naturelle quand on voit comment la question centrale est rédigée : Wall Street est elle coupable de la crise des subprimes ?
C'est vraiment très bien fait, très très loin des films bases sur des affaires de procès, genre l'Associé du Diable. Ici, pas de grands effets de manches, pas de retournements rocambolesques ou de témoins surprise. Chaque camp produit ses preuves et ses témoins. Les jurys discutent, le juge rend le verdict.
Non, vraiment, un must see qui permet à la fois de voir comment les subprimes immobilières ont pu dériver à ce point et comment se déroule réellement un procès. On y voit aussi à quel point vouloir mettre des jurys populaires partout est une mauvaise idée.
Cleveland Contre Wall Street Documentaire de Jean-Stéphane Bron, 98'
DVD (2011) Les Films Pelleas
Mais à quoi aurait-il ressemblé s'il s'était tenu jusqu'au bout ? C'est ce qu'a voulu découvrir le réalisateur de ce film, Jean-Stéphane Bron. Ce film est loin loin d'être une fiction. Toutes les personnes présentes sont des gens normaux et sincères. Ainsi, les plaignants sont de vrais plaignants. Les avocats sont réels. Les témoins sont réels. Le jury a été sélectionné de manière normale. Tous ont accepté de jouer le jeu pour de vrai. D'ailleurs, on y croise le policier présent sur la photographie ayant reçu le World Press Photo of the Year Award 2008... Si si.
On assiste donc à un véritable procès, sincère, réel. On peut voir le talent de l'avocat de la défense à l’œuvre (un sacré pro), la sincérité de toutes les personnes impliquées, jusqu'à la conclusion du procès qui, finalement, est assez naturelle quand on voit comment la question centrale est rédigée : Wall Street est elle coupable de la crise des subprimes ?
C'est vraiment très bien fait, très très loin des films bases sur des affaires de procès, genre l'Associé du Diable. Ici, pas de grands effets de manches, pas de retournements rocambolesques ou de témoins surprise. Chaque camp produit ses preuves et ses témoins. Les jurys discutent, le juge rend le verdict.
Non, vraiment, un must see qui permet à la fois de voir comment les subprimes immobilières ont pu dériver à ce point et comment se déroule réellement un procès. On y voit aussi à quel point vouloir mettre des jurys populaires partout est une mauvaise idée.
Cleveland Contre Wall Street Documentaire de Jean-Stéphane Bron, 98'
DVD (2011) Les Films Pelleas
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mardi 21 février 2012
Des lectures dures mais nécessaires
Tout occuppé à procrastiner, je m'aperçois que je n'ai pas alimenté ce blog depuis un moment. Bon, alors autant faire un petit billet sur de la BD, et oui, encore. Et en plus, de la BD qui réjouit, qui met de bonne humeur, qui respire la joie.
Ou pas.
En 1992, Art Spiegelman reçoit le prix Pulitzer pour le premier volume de sa BD, Maus. Spiegelman (qui était à Angoulème cette année) a, d'après moi, prouvé avec Maus que la BD était un support noble capable d'aborder tous les sujets et ne se limitant pas "aux petits Mickeys". Maus est une BD dure, une BD sans concessions, ainsi qu'une BD où chaque planche révèle une maîtrise du fond et de la forme incroyable. L'intrication entre la construction et le contenu de chaque planche est un travail d'orfèvre magnifique. Aussi éblouissant qu'est terrible l'histoire racontée.
Pour les 25 ans de cette BD, Flammarion a le bon goût de non seulement rééditer la BD dans un format agréable, mais d'y ajouter "MetaMaus", un livre tout aussi gros racontant sous la forme d'une longue interview d'Art Spiegelman la gestation, la construction et les retentissements de Maus, avec de nombreuses pièces. MetaMaus est, à mon avis, tout aussi intéressant que Maus, qu'il découvre sous de nouveaux angles et renforce tout à la fois.
A coté de Maus et MetaMaus, dont la renommée n'est plus à faire, j'en profite pour parler d'un petit album, plus confidentiel, que j'avais acheté presque par hasard lors d'un salon du livre il y a bien longtemps, et qui traite d'une autre manière le sujet des camps. Il s'agit de Drancy - Berlin - Oswiecim, de Gregory Ponchard. Dans ce petit album, extrêmement personnel lui aussi, l'auteur raconte son voyage de l'un à l'autre de ces lieux dans une progression lente dans le froid et les ténèbres de cette terrible Histoire.
Cet album fut une excellente surprise.
Drancy - Berlin - Oswiecim de Gregory Ponchard
chez Les Requins Marteaux ISBN n°2849610232
Maus & MetaMaus de Art Spiegelman
chez Flammarion
ISBN n°9782081278028 & n°9782080689672
Ou pas.
En 1992, Art Spiegelman reçoit le prix Pulitzer pour le premier volume de sa BD, Maus. Spiegelman (qui était à Angoulème cette année) a, d'après moi, prouvé avec Maus que la BD était un support noble capable d'aborder tous les sujets et ne se limitant pas "aux petits Mickeys". Maus est une BD dure, une BD sans concessions, ainsi qu'une BD où chaque planche révèle une maîtrise du fond et de la forme incroyable. L'intrication entre la construction et le contenu de chaque planche est un travail d'orfèvre magnifique. Aussi éblouissant qu'est terrible l'histoire racontée.
Pour les 25 ans de cette BD, Flammarion a le bon goût de non seulement rééditer la BD dans un format agréable, mais d'y ajouter "MetaMaus", un livre tout aussi gros racontant sous la forme d'une longue interview d'Art Spiegelman la gestation, la construction et les retentissements de Maus, avec de nombreuses pièces. MetaMaus est, à mon avis, tout aussi intéressant que Maus, qu'il découvre sous de nouveaux angles et renforce tout à la fois.
A coté de Maus et MetaMaus, dont la renommée n'est plus à faire, j'en profite pour parler d'un petit album, plus confidentiel, que j'avais acheté presque par hasard lors d'un salon du livre il y a bien longtemps, et qui traite d'une autre manière le sujet des camps. Il s'agit de Drancy - Berlin - Oswiecim, de Gregory Ponchard. Dans ce petit album, extrêmement personnel lui aussi, l'auteur raconte son voyage de l'un à l'autre de ces lieux dans une progression lente dans le froid et les ténèbres de cette terrible Histoire.
Cet album fut une excellente surprise.
Drancy - Berlin - Oswiecim de Gregory Ponchard
chez Les Requins Marteaux ISBN n°2849610232
Maus & MetaMaus de Art Spiegelman
chez Flammarion
ISBN n°9782081278028 & n°9782080689672
Libellés :
2nde GM,
Art Spiegelman,
Bande Dessinée,
documentaire,
essentiel,
Gregory Ponchard,
histoire
mardi 10 janvier 2012
Safe Area Goražde
J'ai déjà parlé de Joe Sacco dans ces colonnes, et certains me reprocheront de ne parler que de BD depuis quelques temps. Je l'avoue : mes lectures actuelles ne sont guères politiques, ni même engagées, à moins de tout voir sous cet angle. Et je n'ai pas l'intention de m'engager sur la vision politique de la monarchie dans "Le Trône de Fer" ou la connaissance dans "Las Aventuras de Sherlock Holmes" (oui, je les relis en Espagnol, histoire d'en profiter pour réviser cette langue).
Dont acte, une BD, encore. Mais pas n'importe laquelle. Joe Sacco s'est fait connaître, au moins en France, grâce à un premier reportage, effectué dans la ville de Goražde durant la guerre de Bosnie-Herzegovine, ce drame humain à deux pas de chez nous qui a duré 3 ans. Sarajevo était sous le feu des projecteurs médiatiques et donc sous une protection qu'on pourrait qualifier de forte par l'ONU. La poche de Goražde, elle, n'était reliée au reste de la Bosnie que par le cordon ombilical de l'ONU que représentait la "route bleue". Sacco se rend là bas quatre mois entre 1994 et 1995 et partage la vie des gens là-bas, principalement au travers de son traducteur, Edin.
Via Edin, Sacco raconte l'enclave, mais aussi les témoignages qu'il recueille, dans son style personnel où les témoignages se mêlent et expliquent la vie présente. Par rapport à Gaza 1956, Goražde est bien plus noir, plus douloureux, plus poignant, plus marquant. On sent que Sacco a été changé pour toujours de son expérience, et cela sourd de son livre.
Définitivement, un livre à lire. Sans compter que la récente réédition a ajouté une grande quantité de notes de l'auteur qui ajoutent encore à l'excellence de l'ouvrage.
Goražde par Joe Sacco, chez Rackham (227 pages)
ISBN 978-2878271423
VO : "Safe Area Goražde"
Dont acte, une BD, encore. Mais pas n'importe laquelle. Joe Sacco s'est fait connaître, au moins en France, grâce à un premier reportage, effectué dans la ville de Goražde durant la guerre de Bosnie-Herzegovine, ce drame humain à deux pas de chez nous qui a duré 3 ans. Sarajevo était sous le feu des projecteurs médiatiques et donc sous une protection qu'on pourrait qualifier de forte par l'ONU. La poche de Goražde, elle, n'était reliée au reste de la Bosnie que par le cordon ombilical de l'ONU que représentait la "route bleue". Sacco se rend là bas quatre mois entre 1994 et 1995 et partage la vie des gens là-bas, principalement au travers de son traducteur, Edin.
Via Edin, Sacco raconte l'enclave, mais aussi les témoignages qu'il recueille, dans son style personnel où les témoignages se mêlent et expliquent la vie présente. Par rapport à Gaza 1956, Goražde est bien plus noir, plus douloureux, plus poignant, plus marquant. On sent que Sacco a été changé pour toujours de son expérience, et cela sourd de son livre.
Définitivement, un livre à lire. Sans compter que la récente réédition a ajouté une grande quantité de notes de l'auteur qui ajoutent encore à l'excellence de l'ouvrage.
Goražde par Joe Sacco, chez Rackham (227 pages)
ISBN 978-2878271423
VO : "Safe Area Goražde"
mercredi 29 décembre 2010
Une saine indignation à un prix modique
Il paraît qu'on en parle partout. Je n'en sais rien. Pourtant, je ne fuis pas les médias (j'ai pas loin de 70 flux RSS de médias divers dans mon aggrégateur) juste la télévision, que je ne possède pas. Bref, j'ai donné trois roupies à la marchande en l'échange d'un exemplaire de "Indignez-vous !". C'est seulement rentré au foyer que l'un de mes parents me dit "ah tiens, tu l'as acheté ? On en parle partout."
Bon, moi qui croyait être tombé sur un petit opuscule méconnu, c'est loupé. En même temps, je me fiche de la célébrité du dit opuscule. L'essentiel, c'est qu'il soit bon. Alors, l'est-il ? Et de quoi parle-t-il ?
L'auteur, Stéphane Hessel, n'est pas un inconnu. Il fait partie de la poignée de résistants actifs encore en vie. Diplomate, ambassadeur, poète et l'un des rédacteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Excusez du peu. Les mots me manquent pour témoigner du respect que ce monsieur m'inspire.
Récemment, donc, il a rédigé Indignez-vous ! qui est une sorte de lettre ouverte aux français, ou mieux, à tous, qui, à l'heure actuelle, ne réagit plus vraiment aux horreurs qu'elle voit ou qu'elle subit. Qu'elle voit, surtout, via une société médiatisée omniprésente. Le titre, c'est un cri du coeur, le contenu, c'est un encouragement à sortir de l'acceptation muette. Un encouragement à réagir. Une explication, aussi, de ce qui a fait de M. Hessel l'homme qu'il est, de ce qui le meut. Et ça, c'est justement une indignation franche, digne, rageuse, qui le prend aux tripes et qui le fait avancer, aujourd'hui encore, après 93 années de luttes. Presque un siècle, à peine plus jeune que le code du travail originel (celui qui ne fut pas charcuté).
Oui, aujourd'hui, on oublie souvent de s'indigner. Plus qu'un bol d'air frais, ce livre est un verre d'eau froide à la gueule, pour se réveiller. A lire !
Indignez-vous ! de Stéphane Hessel
chez Indigène Editions
ISBN n°978-2-911939-76-1
Bon, moi qui croyait être tombé sur un petit opuscule méconnu, c'est loupé. En même temps, je me fiche de la célébrité du dit opuscule. L'essentiel, c'est qu'il soit bon. Alors, l'est-il ? Et de quoi parle-t-il ?
L'auteur, Stéphane Hessel, n'est pas un inconnu. Il fait partie de la poignée de résistants actifs encore en vie. Diplomate, ambassadeur, poète et l'un des rédacteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Excusez du peu. Les mots me manquent pour témoigner du respect que ce monsieur m'inspire.
Récemment, donc, il a rédigé Indignez-vous ! qui est une sorte de lettre ouverte aux français, ou mieux, à tous, qui, à l'heure actuelle, ne réagit plus vraiment aux horreurs qu'elle voit ou qu'elle subit. Qu'elle voit, surtout, via une société médiatisée omniprésente. Le titre, c'est un cri du coeur, le contenu, c'est un encouragement à sortir de l'acceptation muette. Un encouragement à réagir. Une explication, aussi, de ce qui a fait de M. Hessel l'homme qu'il est, de ce qui le meut. Et ça, c'est justement une indignation franche, digne, rageuse, qui le prend aux tripes et qui le fait avancer, aujourd'hui encore, après 93 années de luttes. Presque un siècle, à peine plus jeune que le code du travail originel (celui qui ne fut pas charcuté).
Oui, aujourd'hui, on oublie souvent de s'indigner. Plus qu'un bol d'air frais, ce livre est un verre d'eau froide à la gueule, pour se réveiller. A lire !
Indignez-vous ! de Stéphane Hessel
chez Indigène Editions
ISBN n°978-2-911939-76-1
Libellés :
2nde GM,
civilisation,
désobéissance civile,
essentiel,
palestine,
société,
Stéphane Hessel
jeudi 19 novembre 2009
De les flux migratoires, sujet obsessif de notre gouvernement
Parfois, j'ai des surprises agréables. Ce matin, en me rendant à ma boîte aux lettres, j'avais un courrier de la Cimade afin de se présenter et me proposer l'adhésion à leur ONG. Dans cette lettre se trouvait un tout petit livret, petit format et quelques pages, intitulé "Petit Guide Pour Comprendre Les Migrations Internationales". Je l'ai lu dans le métro ce matin, d'un bout à l'autre.
Non seulement il est très bien fait, mais les informations qu'il contient sont extrêmement pertinentes, lourdes de faits et chiffres intéressants, qui balaient pas mal le spectre de la soupe mille fois répétée par les politiciens aux projets politiques décevants (oui, je pense à quelqu'un là, voire plusieurs).
J'ai sincèrement été impressionné par la qualité de ce petit livret et en recommande chaudement la lecture. Cela vous fournira un argumentaire solide dans les conversations sur le sujet. (Et l'adhésion à la Cimade sera un plus notable :))

Petit Guide Pour Comprendre Les Migrations Internationales (Collectif)
édité par :
La Cimade
L'humanité passe par l'autre
64 Rue Clisson 75013 Paris
01 44 18 60 50
Non seulement il est très bien fait, mais les informations qu'il contient sont extrêmement pertinentes, lourdes de faits et chiffres intéressants, qui balaient pas mal le spectre de la soupe mille fois répétée par les politiciens aux projets politiques décevants (oui, je pense à quelqu'un là, voire plusieurs).
J'ai sincèrement été impressionné par la qualité de ce petit livret et en recommande chaudement la lecture. Cela vous fournira un argumentaire solide dans les conversations sur le sujet. (Et l'adhésion à la Cimade sera un plus notable :))
Petit Guide Pour Comprendre Les Migrations Internationales (Collectif)
édité par :
La Cimade
L'humanité passe par l'autre
64 Rue Clisson 75013 Paris
01 44 18 60 50
mercredi 29 avril 2009
O Grande Malédiction d'Ouverture du Génie Modificateur...
Oui, c'est assez grandiloquent, mais une lecture récente, qui m'a prise un temps certain étant donné la densité du contenu, a fortement modifié mes perceptions environnementales sur un sujet que j'avais délaissé dans mon champ de détection des saloperies diverses qui nous menacent, à savoir les Organismes Génétiquement Modifiés. Il n'y a pas si longtemps, par méconnaissance du sujet, je pensais benoîtement que cette innovation technologique avait été testé dans tous les sens au sujet de son innocuité et que les instances qui nous protègent avaient fait leur boulot.
J'ai donc lu "Le Monde Selon Monsanto" en m'attendant à n'apprendre des choses que sur les vieilles saletés (Pyralène, Dioxine, etc.), sur un ton pamphlétaire.
Quelle erreur ! Et quelle claque !

Le livre est d'abord très froid. S'il y a bien parfois une phrase due à l'émotion de l'auteur, marquée par les faits qu'elle relate, il s'agit bien d'un compte rendu froid et factuel de tout ce qu'elle a pu découvrir en plusieurs années d'enquête. Et il faut bien dire que ce livre ne m'a pas laissé indifférent. J'étais tour à tour choqué, effondré, énervé, attristé, enragé par ce qui m'était froidement décrit. Le portrait dressé est effrayant. Le livre fermé, j'étais convaincu, et je me considère désormais comme anti-OGM. Il ne peut en être autrement : les faits sont là, clairs et définitifs ; on nous vend comme nourriture un poison enrobé de mensonges éhontés.
Le Monde Selon Monsanto
De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien
par Marie-Monique Robin
aux éditions La Découverte/Arte
grand format - ISBN n°9-782-84734-466-0
en poche - ISBN n°9-782-70715-703-4
Pour ce que contient le livre, il s'agit globalement de l'histoire de l'entreprise vu par la lentille de tous les scandales qui l'ont entourée, année après année, avec des témoignages, des documents, des chiffres et des résultats. Il n'y a pas d'échappatoire, tout est décortiqué, établi, avec des sources tracées.
Le documentaire vidéo résume le livre mais le portrait est forcément moins détaillé et moins effrayant. Le livre est une somme dense et fournie, définitive. A tel point que j'en ai assez mal dormi par moments. Toutefois, si le livre vous décourage par sa taille et sa densité, jetez-vous sur le film, qui vous fournira une bonne base, un bon échantillon de la réalité sous-jacente.
Utilité au lecteur (de quelque bord que ce soit) :
J'ai donc lu "Le Monde Selon Monsanto" en m'attendant à n'apprendre des choses que sur les vieilles saletés (Pyralène, Dioxine, etc.), sur un ton pamphlétaire.
Quelle erreur ! Et quelle claque !

Le livre est d'abord très froid. S'il y a bien parfois une phrase due à l'émotion de l'auteur, marquée par les faits qu'elle relate, il s'agit bien d'un compte rendu froid et factuel de tout ce qu'elle a pu découvrir en plusieurs années d'enquête. Et il faut bien dire que ce livre ne m'a pas laissé indifférent. J'étais tour à tour choqué, effondré, énervé, attristé, enragé par ce qui m'était froidement décrit. Le portrait dressé est effrayant. Le livre fermé, j'étais convaincu, et je me considère désormais comme anti-OGM. Il ne peut en être autrement : les faits sont là, clairs et définitifs ; on nous vend comme nourriture un poison enrobé de mensonges éhontés.
Le Monde Selon Monsanto
De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien
par Marie-Monique Robin
aux éditions La Découverte/Arte
grand format - ISBN n°9-782-84734-466-0
en poche - ISBN n°9-782-70715-703-4
Pour ce que contient le livre, il s'agit globalement de l'histoire de l'entreprise vu par la lentille de tous les scandales qui l'ont entourée, année après année, avec des témoignages, des documents, des chiffres et des résultats. Il n'y a pas d'échappatoire, tout est décortiqué, établi, avec des sources tracées.
Le documentaire vidéo résume le livre mais le portrait est forcément moins détaillé et moins effrayant. Le livre est une somme dense et fournie, définitive. A tel point que j'en ai assez mal dormi par moments. Toutefois, si le livre vous décourage par sa taille et sa densité, jetez-vous sur le film, qui vous fournira une bonne base, un bon échantillon de la réalité sous-jacente.
Utilité au lecteur (de quelque bord que ce soit) :
- Une vision des mensonges et dangers entourant les OGM ou ayant entouré toutes les horreurs qui les ont précédées (Pyralène, Dioxine, Désherbants, Agent Orange etc)
- La démonstration effective d'un fonctionnement corpocrate : méthode, établissement, risques
- Les dangers effrayants des OGM, qui ne se résument pas à la santé, mais aussi aux risques environnementaux et économiques qui les entourent (oui, il est parfaitement logique d'être de droite et anti-OGM)
- Une lecture essentielle (j'en suis encore choqué aujourd'hui)
mercredi 31 décembre 2008
Ceinture noire d'autodéfense intellectuelle

Petit cours d'autodéfense intellectuelle
de Normand Baillargeon
Lux Quebec
ISBN : 2895960445
Normand Baillargeon n'est pas un inconnu du lecteur libertaire, puisqu'il a écrit une histoire du mouvement anarchiste claire et documentée sur laquelle je reviendrai probablement. Ici, il part d'une citation de Chomsky : "Si nous avions un vrai système d'éducation, on y donnerait des cours d'autodéfense intellectuelle. " Se posant la question de ce que pourrait contenir un tel enseignement, Baillargeon a écrit le manuel sur lequel les cours reposeraient probablement.
Cet opuscule détaille donc tous les mécanismes à repérer dans un discours, un article ou une image quand son auteur manque d'arguments valides pour justifier son point de vue. C'est bien d'autodéfense qu'il s'agit, car les articles et discours sont perclus d'arguments fallacieux, de phrases toutes faites et autres tournures relevant le plus souvent, pour être gentil, du mensonge involontaire (une des règles de la bonne discussion est de considérer son interlocuteur comme honnête).
Le livre détaille donc les paralogismes courants, ces arguments faussement logiques qui émaillent les débats politiques et paraissent extrêmement convainquants, y compris à ceux qui les utilisent. Sont ensuite couverts les graphiques, le "bon sens", etc.
Bien que son utilité éducative me paraisse évidente pour le lecteur de n'importe quel bord, voici l'utilité au lecteur de gauche :
- Ce livre permet d'apprendre à repérer tous les vides logiques d'un argumentaire quel qu'il soit pour ne pas s'y laisser prendre.
- Lors d'une discussion, ayant repéré ces vides, le lecteur assidu peut y enfoncer des coins argumentatifs qui détruiront la position adverse en soulignant simplement les erreurs de raisonnement.
- Hélas, ce livre montre en creux comment employer les paralogismes à son propre usage, usage malhonnête que je décourage, mais qui permet de dire un mot sur le livre de Schopenhauer. Ce dernier, dans son Art d'avoir toujours raison (chez Mille et Une Nuits, ISBN:284205301X), détaille des outils rhétoriques pour l'emporter dans une discussion et écraser son adversaire. Il s'agit là aussi d'un catalogue de paralogismes que Schopenhauer présente avec une discrète pointe d'ironie et dans un but d'utilisation.
vendredi 19 décembre 2008
Fabrication de l'opinion et propagande en démocratie
Le titre va forcément allumer de nombreuses lumières rouges dans le cerveau des lecteurs les plus conservateurs de ce blog. Et pourtant, quelques drames récents ont montré que la presse et les média ont de gros défauts quant à leurs choix de titres. On repensera juste à l'arène médiatique sur les armes de destruction massive en Irak, dont les articles de presse américain ont aidé une opinion publique à aller jusqu'à une guerre sur la seule base de rapports frelatés en provenance directe d'où ? Du gouvernement. Pas de vérifications de sources, juste des appels à la guerre, très peu de questionnement. Quelles qu'en soient les origines, c'est de médias, donc, qu'on va parler avec deux célèbres ouvrages, fort contestés.

Voici le premier, qui est certainement une lecture fondamentale :
La Fabrication du Consentement - De la propagande médiatique en démocratie
de Edward Herman & Noam Chomsky
Agone 2008, collection contre feux
ISBN 978-2-7489-0072-9
(Précédemment édité par Le Serpent à Plumes sous le titre "La Fabrique de l'Opinion")
Oh que cet ouvrage a fait couler d'encre bilieuse sur le papier quadrichromie sur les deux continents. Oh que cet auteur aussi. Bon, déjà les imbéciles ressortirons l'affaire Faurisson à propos de Chomsky. Je leur répondrai que c'est un argument Ad Hominem, donc invalide, et qui plus est complètement faux. Il n'y a vraiment que quelques français à ne pas l'avoir pigé. Même les américains les plus anti-Chomsky l'ont pigé y'a déjà longtemps. Grandissez, un peu.
Passons, donc, aux choses sérieuses.
Cet ouvrage présente ce que ses auteurs appellent "le modèle de propagande", il s'agit simplement d'une convergence d'intérêts entre les journalistes, les rédactions, les propriétaires, les annonceurs et les lecteurs. Le modèle démonte de manière assez simple ces mécanismes. Essayons de résumer :
La première est l'attaque ad hominem sur Chomsky déjà décrite plus haut et à ignorer (une attaque ad hominem est un paralogisme, pas un argument).
La seconde, c'est l'habituel "mais moi je suis en liberté, j'écris ce que je veux". A cela, quoi de mieux que la réponse de Chomsky : "I don't say you're self-censoring - I'm sure you believe everything you're saying; but what I'm saying is, if you believed something different, you wouldn't be sitting where you're sitting."(Traduction : Je ne dis pas que vous vous auto-censurez, je suis sûr que vous croyez tout ce que vous dites; mais ce que je dis c'est que si vous croyiez quelque chose de différent, vous ne seriez pas assis où vous l'êtes.) (1)
La troisième, enfin, consiste à balayer tout cela d'un revers de main en disant "théorie du complot". Normalement, il y a une poussée de menton ou un ton un peu condescendant. Cet argument de la théorie du complot est fascinant, car il ne nécessite pas d'arguments, apparemment. Il se suffirait à lui-même. "Théorie du complot", hop, passons à autre chose. Pourtant, il faut démontrer que Herman et Chomsky présentent une théorie du complot pour que cet argument soit valide. Or ce n'est pas le cas. Les auteurs présentent une somme d'intérêts convergents ou chacun va agir dans la direction qui semble la meilleure dans le cadre de ses intérêts proches. Nul complot, nulle organisation. Simplement le désir de survie ou la meilleure opportunité ou l'envie de fainéantise, de chacun des acteurs concernés.
Le reste de l'ouvrage est consacré à nombre d'exemples très détaillés de traitement différents de cas similaires par les même médias, à l'appui de l'ouvrage.
(1) : Interview by Andrew Marr on BBC2, February 14, 1996

Voici le premier, qui est certainement une lecture fondamentale :
La Fabrication du Consentement - De la propagande médiatique en démocratie
de Edward Herman & Noam Chomsky
Agone 2008, collection contre feux
ISBN 978-2-7489-0072-9
(Précédemment édité par Le Serpent à Plumes sous le titre "La Fabrique de l'Opinion")
Oh que cet ouvrage a fait couler d'encre bilieuse sur le papier quadrichromie sur les deux continents. Oh que cet auteur aussi. Bon, déjà les imbéciles ressortirons l'affaire Faurisson à propos de Chomsky. Je leur répondrai que c'est un argument Ad Hominem, donc invalide, et qui plus est complètement faux. Il n'y a vraiment que quelques français à ne pas l'avoir pigé. Même les américains les plus anti-Chomsky l'ont pigé y'a déjà longtemps. Grandissez, un peu.
Passons, donc, aux choses sérieuses.
Cet ouvrage présente ce que ses auteurs appellent "le modèle de propagande", il s'agit simplement d'une convergence d'intérêts entre les journalistes, les rédactions, les propriétaires, les annonceurs et les lecteurs. Le modèle démonte de manière assez simple ces mécanismes. Essayons de résumer :
- Il y a bien longtemps que la plupart des grands journaux ne vivent plus par leurs ventes ou leurs abonnements. L'argent engrangé de cette manière n'arrive pas à payer les coûts de production, de distribution, de destruction des invendus, etc.
- L'argent manquant provient essentiellement de deux sources : le propriétaire en bailleur de fonds, les annonceurs. Même avec leur aide, les journaux sont régulièrement en perte.
- Les lecteurs, aussi jouent leur rôle de pression. En effet, même si l'argent fourni n'est pas suffisant pour faire vivre le journal, leur nombre permet de justifier les factures faites aux annonceurs. L'important est donc que le journal soit lu.
- Les informateurs : difficile d'informer à partir de rien. Quoique les mauvaises langues diront que ça n'a jamais rien empêché...
- Evidemment, le journaliste est aussi un moyen de pression sur lui-même, simplement parce qu'il est doté d'opinions. Un journaliste qui écrit dans un journal de droite n'a pas les mêmes sensibilités qu'un journaliste qui écrit dans un journal de gauche. Et, de fait, par ses propres opinions, il a l'impression d'écrire ce qu'il choisit d'écrire, comme lui chante. Mais c'est normal d'avoir l'impression d'être libre quand on est d'accord avec la ligne éditoriale...
- La propriété : le propriétaire du journal est un poids économique certain à l'heure où les journaux ont des problèmes directs de survie. Moindre publication d'articles allant à l'encontre du propriétaire, donc.
- Le budget : les journaux ne vivent plus de leur lectorat depuis bien longtemps, et la publicité est la véritable manne (mais l'argument serait déplaçable aux lecteurs si c'était le cas). Moindre publication d'articles allant à l'encontre des sponsors.
- Les sources d'information : il se trouve que l'information provient d'une symbiose entre les sources d'information et les média. Enormément de ces informations proviennent d'agences gouvernementales et sont indispensables ou aident grandement le journal. Par exemple, donner des opportunités de photo, programmer les conférences de presse en accord avec les deadlines, fournir les statistiques et rapports, compte-rendus, etc. Moindre publication d'articles allant à l'encontre des sources d'information.
- Flak (terme d'argot pour désigner le pognon et le pouvoir) : les puissants peuvent faire pression sur un media par de nombreux moyen directs ou indirects. Moindre publication d'articles écornant les puissants.
- "anti-" idéologies : il est plus facile d'exploiter la peur populaire que de tenter de relativiser ou d'aller, surtout, à contre courant. Par exemple, écrire des articles crachant sur Saddam Hussein quelques semaines avant la seconde guerre du golfe ne présentait pas de difficulté majeures, ou un article anti-français (on se rappelle les "freedom fries" ?). Moindre publication d'articles à contre-courant.
La première est l'attaque ad hominem sur Chomsky déjà décrite plus haut et à ignorer (une attaque ad hominem est un paralogisme, pas un argument).
La seconde, c'est l'habituel "mais moi je suis en liberté, j'écris ce que je veux". A cela, quoi de mieux que la réponse de Chomsky : "I don't say you're self-censoring - I'm sure you believe everything you're saying; but what I'm saying is, if you believed something different, you wouldn't be sitting where you're sitting."(Traduction : Je ne dis pas que vous vous auto-censurez, je suis sûr que vous croyez tout ce que vous dites; mais ce que je dis c'est que si vous croyiez quelque chose de différent, vous ne seriez pas assis où vous l'êtes.) (1)
La troisième, enfin, consiste à balayer tout cela d'un revers de main en disant "théorie du complot". Normalement, il y a une poussée de menton ou un ton un peu condescendant. Cet argument de la théorie du complot est fascinant, car il ne nécessite pas d'arguments, apparemment. Il se suffirait à lui-même. "Théorie du complot", hop, passons à autre chose. Pourtant, il faut démontrer que Herman et Chomsky présentent une théorie du complot pour que cet argument soit valide. Or ce n'est pas le cas. Les auteurs présentent une somme d'intérêts convergents ou chacun va agir dans la direction qui semble la meilleure dans le cadre de ses intérêts proches. Nul complot, nulle organisation. Simplement le désir de survie ou la meilleure opportunité ou l'envie de fainéantise, de chacun des acteurs concernés.
Le reste de l'ouvrage est consacré à nombre d'exemples très détaillés de traitement différents de cas similaires par les même médias, à l'appui de l'ouvrage.
(1) : Interview by Andrew Marr on BBC2, February 14, 1996
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