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jeudi 6 février 2014

Les ressources humaines du futur

Hier, je suis allé voir une excellente pièce de théâtre, intitulée Contractions, au théâtre Paris Villette. C'était excellent. Deux actrices : Emma est managée de près dans une entreprise moderne, tout de blanc, de chrome et de design, avec des méthodes de management et d'accompagnement des employés fort modernes. CLEER ne renierait pas ces méthodes. Pas plus que le Complexe Alpha.



Dans la conjecture actuelle, il est évident que Emma ne retrouverait pas du travail si elle venait à perdre celui-ci et l'entreprise veille à ce que tout soit parfait pour ses employés et leur productivité. Ainsi, ceux-ci se doivent de fournir des détails précis quant à leurs relations amoureuses au travail. Un geste, un regard, tout ceci peut affecter la productivité des autres et des procédures modernes, efficaces et issues de recherches avancées permettent d'en tirer les conséquences et de prendre les décisions qui s'imposent.

Au cours d'une douzaine d'entretiens entre Emma et son manager, on va voir évoluer la situation de cette employée au sein d'une entreprise Kafkaïenne qui ne veut, évidemment, que son bien. Au début, l'aspect Big Brother est amusant et fait rire. Un peu comme dans C'est arrivé près de chez vous, l'aspect sympathique et amusant nous fait presque adhérer au sujet. Et puis, comme dans le film, un acte d'une horreur barbare nous remet les pieds sur terre et nous renvoie à notre adhésion, notre docilité quant à une situation qui n'avait dès le début rien d'amusant.

Les actrices sont très très fortes : dans l'idée, elles se font face mais grâce à un jeu parfait, elles arrivent à jouer la totalité du spectacle face au public, ce qui permet de mieux voir le jeu d'émotions qui leur traverse le visage.

Au niveau des idées, tout y est. Du rêve humide des managers modernes qui voudraient tout contrôler et transformer leurs employés en drones à la dissolution des responsabilité dans une fantomâtique hiérarchie qui serait toute puissante ("c'est pas moi, c'est la politique de l'Entreprise") en passant par les réorganisation iniques et les entretiens réguliers inutiles. Je pense que les lecteurs de Cleer (L.L. Kloetzer) prendront un plaisir particulier à voir cette pièce.

Contractions
Une pièce de Mike Bartlett (ISBN 9781408108680)
Jusqu'au 8 février 2014 au théâtre Paris-Villette à 20h30 voir sur le site officiel

jeudi 7 mars 2013

Ce n'est pas parce qu'on n'en parle plus dans les médias

... que ça va mieux en Grèce. Avec notre société qui fait ressembler un poisson rouge à un champion olympique de Memory et de Mastermind, on oublie souvent que les drames, les crises et les malheurs qui font le beurre dans les épinards médiatiques continuent bien longtemps après le départ des caméras. Vous l'aviez oublié, mais pendant que l'essentiel des médias français se concentrent sur la sortie incroyablement arrogrante et suffisante de l'ex-président, des enfants meurent encore de fin en Afrique, la misère est toujours là à Haiti, Fukushima est toujours aussi radioactive et la Grèce est toujours autant dans la merde. Au final, c'est sur nous que ça me fait me poser des questions : on se lasse de se faire répéter que ça va mal, on réclame qu'un malheur chasse l'autre afin de nous divertir avant l'essentiel nouvel épisode de série télé. Récemment, une crise électrique a coupé l'électricité de plusieurs villes de banlieue. Pendant que le CHU du coin se demandait comment il allait faire survivre ses patients, que s'est il passé ? Des trouzaines de crétins se sont précipités sur Twitter pour préciser que rater l'épisode d'une série débile était le plus grand malheur de leur vie récente.
Je me rappelle il y a quelques années quand une coupure électrique avait mené à un boum démographique. heureusement, aujourd'hui, on a des smartphone et twitter pour ne pas parler à l'autre. Et bientôt les télés permettant de regarder deux programmes séparément pour au moins n'avoir rien non plus à se dire après le film.Ouf.

Bon, j'arrête là mon acrimonie, elle me fatigue moi-même. Je crois que je suis un peu las. Je vais donc revenir à l'objet initial et parler théâtre.

Vive la crise, comédie St Michel

Dans Vive La Crise, une pièce d'Alexandre Kollatos, une jeune troupe d'acteurs particulièrement dynamique nous raconte, sous la forme de tableaux, la mise à mort économique de la Grèce par les marchés financiers et les drames qui s'en sont ensuivi. Par petites touches, parfois dramatiques, parfois humoristiques, on nous conte avec une incroyable énergie l'enfoncement de la Grèce dans la misère et les délires "austéritaires" réclamés par tous (et dont un des chefs économistes du FMI a écrit, récemment, qu'en fait c'était peut être un remède pire que le mal - sans déc ?).

La pièce commence par des leaders dans un asile psychiatrique, caricatures de l'image projetée par les médias dans l'inconscient collectif. Une grèce complètement infantile, une allemagne à la Merkel autoritaire avec des relents bruns, une France faite d'un Sarko égocentrique tout en tics, une italie d'un Berlu obsédé sexuel, un FMI cupide, etc. Le tableau suivant explique plusieurs choses, tranquillou, aux touristes de la Grèce que nous sommes : un peu de société, d'histoire, le Routard à la main. Ce n'est qu'après que la pièce commence.

Les malheurs commencent. L'économie s'effondre. Papandréou, en premier de la classe ultrabrite fait passer des mesures de pire en pire. Les gens commencent à s'en aller. Pauvreté, misère, émeutes, suicides... Jusqu'à la mise à mort politique du premier ministre grec à Cannes. Et pas vraiment de sortie. Si les médias sont partis, les problèmes sont, eux, toujours là.

C'était vraiment une chouette pièce de théâtre, avec des acteurs très dynamiques (mention spéciale à l'acteur qui joue Papandréou), bien menée. La mise en scène est pleine d'idées originales. Dans un si petit espace avec autant de comédiens, l'action aurait pu devenir inintelligible mais non, l'attention est toujours concentrée au bon endroit par le jeu d'acteurs, la mise en scène, les lumières ou le texte.
Ma seule critique serait qu'il s'agit d'un réquisitoire, complètement à charge, qui nécessite l'équilibrage d'autres sources d'information. Cependant, cela fait du bien de se remettre toute cette litanie de la récession et du malheur en tête, car (cf. billet sur La Survie de l'Espèce) on est pas prêts de changer de mode de fonctionnement et c'est un peu ce qui nous attend tous.

Vive La Crise, une pièce d'Alexandre Kollatos à la Comédie St Michel jusqu'au 30 mai 2013.

jeudi 28 février 2013

Jours de désespoir, jours de colère

Ca faisait très longtemps que je n'avais pas lu un livre me mettant autant mal à l'aise, mis à part La Servante Ecarlate, que je n'ai pas encore fini (pour cette raison, d'ailleurs) et dont je reparlerai. A la différence de ce dernier, cependant, le livre de Chris Hedges et Joe Sacco n'est pas une fiction. Il n'a rien d'une fiction. Et il est terrifiant. A coté de ce livre, Soleil Vert vous propulse dans un futur assez joyeux et enthousiaste.

Jours de destruction, jours de révolte est une série de 5 reportages faits par Chris Hedges et Joe Sacco. L'essentiel de la rédaction est accomplie par le premier, quand le second narre sous forme de BD quelques uns des témoignages ou illustre le texte. Ne vous y trompez pas : les illustrations et la forme dessinée sont tout autant terribles. Les quatre premiers reportages nous font visiter quatre lieux des Etats-Unis d'Amérique, quatre catastrophes humaines et/ou environnementales, quatre drames du rêve capitaliste. Tous ne sont pas dénués d'espoir mais on voit bien qu'il est difficile d'espérer contre un système omnidestructeur.


Premier arrêt, Pine Ridge, SD où plusieurs peuples ont été volés, spoliés et massacrés pour, enfin, être désormais laissés pour compte et abandonnés à crever comme des chiens sur le bord d'une autoroute estivale, dans un mélange de pauvreté et de désespoir, mâtiné de violence, de prostitution et de drogue. Ces derniers maux sont une constante sur un terreau aussi fertile pour eux.

Second arrêt, Camden, NJ. Une des villes les plus pauvres des USA, alors qu'elle fut très riche. Là aussi, avec ses ressources phagocytées par les élites mauvaises, les opérations de sauvetage n'ont fait au final qu'engraisser les destructeurs de la ville. Pauvreté, pillage, prostitution, drogue... Et l'avenir ne s'annonce guère radieux.

Troisième arrêt, Welch, WV, où les compagnies minières de charbonnage font carrément exploser les montagnes pour récolter le chabon à ciel ouvert. Les destruction sont visibles sur Google Maps si vous cherchez, tellement le paysage est ravagé mais les images satellites ne montrent pas toutes les boues toxiques, les poussières cancérigènes et toutes les saloperies qui pourrissent la vie des locaux, pris à la gorge entre des compagnies toutes puissantes et des élus achetés via les dons aux campagnes électorales.

Quatrième arrêt, peut être le pire mais aussi celui qui est étrangement porteur d'une lueur d'espoir, Immokalee, FL. Ici, ce sont les immigrés clandestins qui vivent dans des conditions difficile à différencier du pur et simple esclavage. Dénués de droits faute de papier, ils sont emportés dans un système qui les enferme dans la misère, l'exploitation. Ils gagnent un salaire, mais celui-ci est rongés par les marchands de sommeils et tous les vautours autour, les maintenant dans la pauvreté, prolongeant la durée de vie du système. Une horreur inhumaine et sans nom. Il me semble d'ailleurs que l'esclavagisme était listé comme crime contre l'Humanité. Alors d'accord, ils sont payés, mais c'est un nuage de poudre aux yeux. La lueur d'espoir ? Ils ont commencé à s'organiser et à faire des actions coup de poing qui leur ont permis de ne pas voir leur salaires encore baisser...

Cinquième arrêt, New York, NY. Les auteurs rejoignent le mouvement Occuppy Wall Street, porteuse d'espoir et de révolte. On sait malheureusement ce qui est advenu à cette vague d'espoir, et l'enthousiasme des auteurs en 2011 n'est pas partagé par le lecteur de 2013.

Un livre qui m'a mis dans une rogne noire.
Jours de destruction, jours de révolte de Chris Hedges et Joe Sacco
ISBN n°2754808760 chez Futuropolis

lundi 21 janvier 2013

Notre espèce doit elle survivre ? Peut elle ?

Allez, zou, c'était pas prévu, mais voici un billet supplémentaire sur de la BD pour la simple raison qu'on me l'a prêtée hier (trop coule). Il s'agit cette fois d'une BD d'affreux auteurs gauchisant sur le fonctionnement du capitalisme, de sa naissance à sa morbidité actuelle. Le dessin est très réussi, produisant des planches essentiellement en noir et blanc - avec un peu de vert monétaire - au trait sévère avec une petit pointe cartoonesque pour la caricature nécessaire.
C'est très bien raconté, avec beaucoup d'humour noir et un cynisme féroce. Ça fait mal. En quelques étapes simples, les auteurs nous emmènent dans le monde profondément absurde et injuste du système. Le fait qu'on nous vende notre propre argent à chaque emprunt. Le fait que certains ne perdent jamais. Le fait que quoiqu'il arrive, le mécanisme ne fonctionne que dans une direction. Le fait que l'économie n'est pas, n'a jamais été une science "dure" mais sociale. Le fait, enfin, que le piège s'est violemment refermé sur nous tous. Reste-t-il un espoir ? Pour toute belle qu'elle soit, l'anecdote située à la fin de l'ouvrage est un bien faible rayon de lumière...



Le système actuel, dont on nous rabâche bien qu'il n'y a pas d'alernative (n'est pas, T.I.N.A ?) est mortifère, n'apporte ni bonheur ni avenir et s'achemine lentement vers le drame, si ce n'est déjà commencé. Malgré l'humour avec lequel cette fable est racontée, on referme l'album avec un goût de cendres...

La Survie de l'Espèce de Paul Jorion et Gregory Maklès
ISBN n°275480725X chez Futuropolis (avec ARTE éditions)

jeudi 10 janvier 2013

Cleveland se bat contre des murs

Il y a quelques années, le maire de Cleveland a porté plainte contre 21 banques de Wall St. à cause du drame des subprimes, Cleveland étant l'une des villes les plus touchées par les saisies immobilières. Dans mon souvenir, il a été débouté. Le procès n'a jamais eu lieu.

Mais à quoi aurait-il ressemblé s'il s'était tenu jusqu'au bout ? C'est ce qu'a voulu découvrir le réalisateur de ce film, Jean-Stéphane Bron. Ce film est loin loin d'être une fiction. Toutes les personnes présentes sont des gens normaux et sincères. Ainsi, les plaignants sont de vrais plaignants. Les avocats sont réels. Les témoins sont réels. Le jury a été sélectionné de manière normale. Tous ont accepté de jouer le jeu pour de vrai. D'ailleurs, on y croise le policier présent sur la photographie ayant reçu le World Press Photo of the Year Award 2008... Si si.

On assiste donc à un véritable procès, sincère, réel. On peut voir le talent de l'avocat de la défense à l’œuvre (un sacré pro), la sincérité de toutes les personnes impliquées, jusqu'à la conclusion du procès qui, finalement, est assez naturelle quand on voit comment la question centrale est rédigée : Wall Street est elle coupable de la crise des subprimes ?
C'est vraiment très bien fait, très très loin des films bases sur des affaires de procès, genre l'Associé du Diable. Ici, pas de grands effets de manches, pas de retournements rocambolesques ou de témoins surprise. Chaque camp produit ses preuves et ses témoins. Les jurys discutent, le juge rend le verdict.


Non, vraiment, un must see qui permet à la fois de voir comment les subprimes immobilières ont pu dériver à ce point et comment se déroule réellement un procès. On y voit aussi à quel point vouloir mettre des jurys populaires partout est une mauvaise idée.

Cleveland Contre Wall Street Documentaire de Jean-Stéphane Bron, 98'
DVD (2011) Les Films Pelleas

mercredi 16 novembre 2011

Chine Eternelle, que de bouleversements en si peu de temps

Dans la lignée des bandes dessinées évoquant des morceaux d'histoire, Une Vie Chinoise conte la longue déambulation d'un homme qui aura connu l'avant, le pendant et l'après Mao.



Li raconte sa propre vie, telle qu'il l'a vécue, sans trop de fards, sans trop d'embellissements, dans ce qu'il y a eu de dur mais aussi de beau au cours des 50 ans passés en Chine. D'abord l'enfance, avec un père cadre du parti dans une petite ville de campagne, pendant que s'instaure rapidement le communisme maoïste, qui déferle comme un torrent dans la plaine calme de vies engoncées dans des décennies de tradition. Le rêve communiste vire peu à peu au cauchemar, avec les drames et la famine liées au Grand Bond en Avant. Par la suite, la mutation vers l'ouverture à l'extérieur après la mort de Mao façonne une nouvelle évolution pour Li, une période bouillonnante et trouble, avec un adolescent qui devient un vrai adulte. Le dernier épisode, intitulé "Le Temps de l'argent" évoque la transformation vers un capitalisme triomphant et frénétique de la Chine.



Ce récit autobiographique est intéressant pour comprendre comment la Chine a absorbé ses révolutions successives avec toujours un enthousiasme illimité, comment elle est passé d'extrêmes à d'autres. Cette évolution difficile à comprendre pour un occidental est ici racontée de l'intérieur, avec des yeux chinois, ce qui nous aide à appréhender les bouleversement qu'a connue la Chine en 60 ans. C'est en plus bien écrit et bien dessiné. Un régal.


Une Vie Chinoise - Le Temps du père, Le Temps du parti, Le Temps de l'argent
3 volumes grand format par P. Otié et L. Kunwu, chez Kana
ISBN de l'intégrale en coffret : 3600121201835 (mais existe en volumes séparés)