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lundi 17 juillet 2017

La Servante Ecarlate

Il y a bien des années, une lectrice de ce blog m'a envoyé le livre de Margaret Atwood, La Servante Ecarlate. J'ai essayé de le lire à plusieurs reprises mais je galérais. Non que c'était mal écrit mais parce que la description de l'univers du personnage me mettait très mal à l'aise. Arrive Trump, GamerGate et autres connards machistes, avec un pic global et international de machisme puant (y'a qu'à voir les commentaires débiles qui ont accompagné les sorties des nouveaux opus de Star Wars, Wonder Woman et Ghostbusters, ou la réaction d'hier à l'annonce d'un Docteur féminin*). Et on reparle d'abord, comme d'habitude, de 1984 mais, et c'est plus surprenant, de La Servante Ecarlate ("The Handmaid's Tale" en vo) : Emma Thompson en achète des exemplaires pour les distribuer, une association de défense des femmes fait un happening basé dessus à Washington, etc.
Pourquoi ? Mais parce qu'on avait pas collé autant de bâton dans les roues des femmes depuis bien longtemps (et je soupçonne fortement que la mort de Simone Weil ne va pas arranger les choses en France).

La Servante Ecarlate est le récit, à la première personne, de la vie d'une "Servante". Dans des USA du futur, une dictature "chrétienne" s'est installée et a établi un ordre des choses pour les femmes proprement affreux. Il leur est attribué un rôle définitif : Epouse, Econofemme, Martha (cuisinière, femme de chambre, etc.) ou Servante. La couleur de leurs vêtements est définie. Il leur est interdit d'apprendre à lire, etc. La catégorie des Servantes (la narratrice) est dédiée à la reproduction. Si un mariage est stérile, on fournit à un homme une Servante, qui sera chargée de porter un enfant pour le couple (la GPA mais pas pour tous, uniquement les puissants). Le rôle de la Servante, toute vêtue de rouge, est absolument limité à cela : être un "vase". La narratrice est une Servante de la première génération de femmes à subir cela. Elle a eu une vie, avant : elle avait un mari, un enfant, qu'elle a perdus dans une tentative d'évasion échouée.
Il y a un épilogue sous la forme d'une étude historique de ce roman par des historiens cent ans après les faits, qui ajoute des informations de contexte. Ce n'est pas sans faire penser à Rêves de Fer dont j'ai parlé ici aussi.

Pourquoi ce roman est-il si difficile à lire ?
Déjà parce que je découvre avec horreur que nombre d'humains sur cette terre ont de la merde puante entre les oreilles (lisez "gamergaters", "broflakes" etc.) et que l'avenir décrit n'est pas super éloigné de certains de leurs idéaux. C'est pas nouveau mais, depuis quelques années, ça a cessé de se cacher sous les pierres où ça aurait dû rester.
Ensuite parce que le récit à la première personne fait part d'une résignation qui est difficile à accepter quand on lit plutôt des romans pour s'évader. Non, la narratrice n'est pas un héros. Elle a du mal mais accepte plus ou moins son sort, en étouffant ses sanglots. Ce qui serait la réalité pour la plupart d'entre nous confrontés à toute forme de totalitarisme. C'est dur d'accepter de voir la médiocrité dans un miroir, même déformant. Et pourtant...
Enfin parce que, quand on regarde le monde : ce futur, ou une variante d'icelui, n'est vraiment pas loin, bon sang (voire, existe déjà dans certains pays).

Un roman qui n'a cessé de me retourner tout au long de la lecture. Un roman fort, qui provoque une sacrée émotion, même si désagréable, est un BON roman.

Lisez-le.

La version qu'on m'a donnée.


Je vais voir si je peux emprunter le film à ma médiathèque, moi...

NB : merci encore, Ivy. J'aurais dû lire ce livre bien plus tôt !

EDIT : je viens d'apprendre qu'une adaptation en série télé était en ce moment même en cours de diffusion. Je ne l'ai pas vue mais, ce que j'en entends, vous pouvez foncer. http://www.lemonde.fr/televisions-radio/video/2017/06/27/pourquoi-la-serie-the-handmaid-s-tale-est-incontournable_5151842_1655027.html
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* : si un Docteur de sexe féminin vous pose problème, c'est que vous n'avez pas écouté ce que le Docteur vous a dit dans chaque. Putain. D'épisode.

jeudi 30 octobre 2014

Sécurise ta vie internet, bon sang !

Salut  vous tous qui me lisez si nombreux (les beaux jours, vous êtes un poil au-dessus de 10, c'est dire).

On donne de plus en plus de présence à Internet dans notre vie. Blogs, fessebouc, réseaux sociaux, achats numériques... Et malgré ça, y'a des gens qui viennent se plaindre que leur vie est déballée sur le net. Je me suis décidé à moi aussi faire un petit guide. C'est parti. Note préliminaire importante : ce guide ne prétend ni être exhaustif ni vous protéger de partout ou avec une quelconque certitude. Je vous file des conseils pour que votre sécurité soit "mieux que rien", c'est tout.

D'abord, ton navigateur.
- oublie Internet Explorer. Désinstalle-moi cette drouille. Installe autre chose, un Firefox, un Opera, un Chrome/Iron, etc.
- ensuite, tu ouvre les préférences de ton logiciel, et tu mets fin à tout ce qui te paraît faille de sécurité : oui, je veux utiliser du crypté, non je veux pas conserver mes données navigateurs, non je veux pas de cookie tiers, non je veux pas que les cookie restent advitam sur mon ordi, etc.
- ensuite, c'est la foire aux plugins : d'abord, tu installes Adblock (et pas Adblock plus). T'es si fan de pub que tu veux t'en manger chaque fois que tu ouvres un fenêtre ? Moi non plus. Ite missa est. Après, tu me fais le plaisir d'installer HTTPS Everywhere pour que, chaque fois qu'il le peut, ton navigateur utilise la version sécurisée/cryptée des sites auxquels il accède. Zou. On continue : Privacy Badger, Ghostery, DoNotTrackMe... Ces plugins font que ton navigateur arrête de nourrir les sites que tu visites avec tes infos perso. Ils demandent un peu de tuning chaque fois que tu accèdes à un nouveau site web mais on s'y fait vite. Les derniers : NoScript (fini les petits programmes qui tournent en douce sur l'ordi), Mailvelope (pour crypter/signer tes emails).

Ensuite, ton utilisation des réseaux sociaux.
Le mieux, c'est de ne pas en utiliser. Ok, bon, je te connais... T'as pas résisté, hein ? Bon, pour fessebouq, il te faut l'extension Social Fixer, qui corrige pas mal de merdouilles sur ce site, y compris sur la présentation globale.
Mais, avant ça, tu vas un peu te sortir les doigts : d'abord, tu organises tes contacts en groupes/listes/cercles de sécurité croissante. Ex : ta famille, tes amis proches à la vie à la mort, tes amis, tes connaissances, le reste du monde. Et tu arrêtes de poster en mode "public", bordel. C'est pas parce qu'un contact s'appelle "ami" sur fessebulles que c'est un ami. Hint : c'est qu'un contact. Maintenant que tu postes que pour une audience limitée, tu vas aussi aller dans les réglages de sécurité de ton réseau social et virer tout ce qui est en mode "public" pour tout mettre en "personne sauf..." ou équivalent en désignant des groupes/listes précis à chaque fois. Tac.

Les mails ? T'as installé mailvelope, c'est bien. Si tu peux, essaie de monter un serveur mail sur ton ordi, c'est encore le mieux mais c'est chaud. Donc, si tu veux, reste sur un gros fournisseur gratuit (et prie). Google semble encore pas trop crade pour le moment sur le contenu des mails...

Passons aux mots de passe et logins. Déjà, tu vas aller sur tout les sites que tu utilises et activer le login en deux étapes. En gros, chaque fois que quelqu'un se connecte avec ton compte sur ton ordi, un mot de passe envoyé par SMS est demandé en plus. Il faut donc aussi avoir le téléphone correspondant pour se connecter (dommage si tu te fais voler ton téléphone en même temps que ton ordi, mais ça complique le crackage du compte sans se rendre coupable de voies de fait et recel et c'est déjà pas mal).
Ensuite, tu peux envisager de te faire un mot de passe "normal" pour les sites de sécurité faible : forums, sites à la con où tu files aucune données perso, pas même ta date de naissance. Inutile de se faire trop chier. Après ça, les sites clefs : mail, banque, etc. Là, tu me sors le grand jeu. Des mots de passe _différents_. Long, chiants, imbitables. Eeeeeh oui.
Si ça te casse les gonades, utilise un truc genre 1password. C'est pratique et ça marche bien (en plus, c'est directement intégré aux applications sur certains OS, tels iOS8). Ca va te générer des mots de passe ultra clean pour chaque site et tu n'auras plus qu'un (long, chiant, imbitable) mot de passe à mémoriser, celui de ce qui n'est autre qu'un trousseau de clefs.
Enfin, le compte mail de récupération des mots de passe : tous les services internet te demandent de fournir une adresse mail pour récupérer le mot de passe en cas de perte. Les sites de basse et moyenne importance, tu les fais pointer sur ton compte mail. Les sites de haute importance (dont le susdit compte mail), tu les fais pointer sur une autre adresse mail, dédiée à ça et uniquement ça, avec un mot de passe de la mort et le login en deux étapes. Et tu ne parles à personne de cette adresse, tu ne la notes nulle part. Tu la mémorises (un mail, un seul, ça va aller ?).

Dernier point, ton portable. Bon, là c'est la chouette pompe à info, comme n'importe qui avec un sniffer buvant son café dans un starbuck pourra te confirmer. On va limiter la casse : si tu peux, tu installes des trucs qui chiffrent tes données et tu mets les paramètres de sécurité de ton téléphone à fond. Oui, tu veux les alertes SMS mais tu ne veux pas que le texte du SMS ou même le nom de l'auteur s'affiche sur l'écran, c'est comme ça, c'est tout.
Pitié, tu me désinstalles Whatsapp et tu dis à tes amis d'utiliser, comme toi, Wickr.

Après, tes ordinateurs à la maison, t'es pas forcé de passer sur Tails (une distribution de linux dédiée à la sécurité) ou même d'utiliser Truecrypt, TOR &C°... On parlait juste d'arrêter de distribuer toutes ses infos sur le net comme une semeuse dans un champ...

Allez, je te laisse googler tous ces trucs. Y'en a quelques uns liés dans un encadré quelque part sur cette page, ça te fera un point de départ.

jeudi 11 juillet 2013

"Je n'ai rien à cacher" et autre billevesées

Via les divers personnages fort intéressants dont je suis les publications, je suis tombé sur ce PDF, en anglais, intitulé "'I got nothing to hide' and other privacy misunderstandings" qui est extrêmement intéressant. L'auteur est un professeur de droit spécialisé dans la notion de "privacy" que je traduirai ici par "vie privée" même si "intimité" serait un meilleur équivalent, je pense. C'est aussi très court et, même si je vais tenter d'en faire ici une brève exégèse, je pense sincèrement que les 28 pages devraient être lues (si tant est que vous lisiez l'anglois).

Dès lors que l'on essaie défendre le droit à la vie privée, on tombe rapidement sur les mêmes litanies argumentaires :
- je n'ai rien à cacher (et seul ceux qui ont quelque chose à cacher ont à craindre)
- comment osez-vous mettre en regard votre petite vie privée en regard de la sécurité de (l'Etat, de la population du pays, des enfants, voire du monde)
- etc.
Et dans les arguments en faveur de cette défense, c'est souvent le Big Brother de G. Orwell qui sert d'épouvantail. De cette manière, l'argumentation entre les deux parties est bien verrouillée, les vaches sont bien gardées et la vie privée recule petit à petit.

Le problème, c'est de définir ce qu'est la vie privée ainsi que de réussir à extraire en quoi les atteintes à la vie privée sont dangereuses.

D'abord, la vie privée est un élément difficile à définir. Pour autant que les commentateurs politiques essaient toujours de se ramener au dictionnaire ou à l'étymologie quand il essaient d'argumenter, ce n'est pas là qu'il faut chercher. Comme tout sujet complexe, nous avons besoin d'une définition conceptuelle, définissant en détail le concept de vie privée, telle que le font les philosophes quand ils se penchent sur l'Amour, la Sécurité, la République, etc. Un sujet complexe réclame une définition complexe et non un articulet de dictionnaire, une étymologie ou trois "bullet points" sur un "slide".
Un mensonge courant (faux dilemme en fait) des argumentateurs est de limiter le sujet en disant - et quand je l'écris ainsi, on sent bien que c'est bête - "ce qui n'est pas public c'est ce que quelqu'un souhaite cacher". Ce qui sous entend un coté dissimulateur malsain à ne pas vouloir, au hasard, déclarer à la face du monde son salaire ou ses impôts, ce qu'on a mangé, quand on a fait l'amour pour la dernière fois et comment, ses petites maladies, etc. On répond souvent à ce genre d'arguments "alors pourquoi avez-vous des rideaux ?", "quel est votre salaire ?" etc. La répartie, pour toute maline qu'elle soit, ne résous pas la situation pour la simple raison qu'elle n'est que ça, une répartie, et qu'elle n'attaque pas le sentiment de malaise à l'origine du "je n'ai rien à cacher".

C'est pour cela qu'il faut donc établir les problèmes engendré par les atteintes à la vie privée. L'auteur le fait dans un article antérieur, mais il le résume ici. En gros, les atteintes ne sont pas uniques, elles sont nombreuses et la taxonomie n'est pas exhaustives mais, par opposition, permet de définir la notion de vie privée un peu plus clairement et de manière plurale:

Collecte de l'information
  • Surveillance
  • Interrogation
Analyse de l'information
  • Agrégation
  • Identification
  • Insécurité
  • Usage secondaire
  • Exclusion
  • J'ajoute : "erreurs"
Dissémination de l'information
  • Rupture de confidentialité
  • Fuite
  • Exposition
  • Accessibilité facilitée
  • Chantage
  • Appropriation
  • Distorsion
Invasion
  • Intrusion
  • Interférence décisionnelle
 Est-ce que vous voyez où on veut en venir ? Le Big Brother d'Orwell surveille et punit sur la base directe des informations collectées. C'est aujourd’hui moyenâgeux. Il y a longtemps qu'on ne traite plus l'information de cette manière. On fait désormais du "big data", c'est à dire de l'analyse statistique de données massives, de qualité faible. A l'opposé de l'analyse directe de données moins grandes mais très fiables. Cf. un article du Monde Diplomatique du mois de Juillet 2013. Big Brother ne couvre donc que la Surveillance, l'Interrogation et les punitions en cas de "chose à cacher", justement.
Non.
Le bon exemple est en fait "Le Procès", de Kafka. En résumé, ce n'est pas tant le fait que les données soient collectées, qui pose problème, mais l'usage qui en est fait derrière et l'absence totale de contrôle des gens dont les données sont collectées sur l'usage qui en est fait. Le personnage de Kafka est mis en accusation dans un tribunal, sans savoir pourquoi. Pire, on refuse de le lui dire. Il passe le roman à se battre contre une administration sourde et aveugle sur laquelle il n'a aucune prise.

Prenons un exemple plus concret (adapté du roman Little Brother, dont j'ai déjà parlé), le passe Navigo. C'est pratique : un abonnement, une carte, et fini les tickets, ça se recharge à la maison, et tout et tout. Bien. Maintenant, supposons que l'on analyse par algorithme la totalité des trajets effectués par les parisiens. On fait, par exemple, une analyse bayesienne, qui a pour but de nous sortir à quoi ressemble le "trajet moyen" d'un parisien. Un policier un peu inquiet pourrait alors se pencher sur les gens qui présentent des trajets, au contraire, opposés à ce trajet moyen. Pourquoi se comportent ils étrangement ? Ensuite, s'il s'avère qu'un trajet (non forcément extrême, hein, ceci est un second exemple) est représentatif d'un groupuscule criminel. Ben par paralogisme de composition on en vient vite à l'idée de ramasser tous les gens présentant ce type de trajet pour un petit interrogatoire...

Dans les exemples parfaitement réels, on connaît tous le STIC, ce fichier de la délinquance censé ne répertorier que les actes dûment établis et dont on sait pertinemment que la majorité des informations sont fausses... Qui en plus peut conduire des gens à perdre leur emploi (rupture de confidentialité/exposition), est utilisé par les détectives privés (fuite/chantage) et par des policiers véreux (chantage) ou des journalistes peu scrupuleux (exposition).
Plus simplement, on a tous, un jour, passé des heures et des heures avec une quelconque administration dans le but de faire corriger une misérable erreur. J'ai de ces histoires à raconter... Un ami a dû prouver qu'il était lui-même... Pas facile. Vous en avez sûrement d'aussi drôles.

Il y a aussi l'agrégation des données avec un usage secondaire. C'est un peu l'exemple du passe Navigo. Mais regardons plutôt les données mail. On sait désormais (merci M. Manach) que la France analyse en masse les métadonnées de nos communications. Pas le contenu (ils sont pas le droit) mais juste à qui vous avez envoyé, de qui vous avez reçu et à quelle date, sous quelle forme. Vous connaissez la théorie des 7 degrés de séparation. En gros, vous connaissez quelqu'un, qui connaît quelqu'un etc. qui connaît quelqu'un de célèbre. Avez-vous jamais pensé que ça marchait aussi pour vous accoler à n'importe quel criminel ?
Vous rappelez-vous la scène, dans Se7en, où les policiers analysent les fichiers de bibliothèques pour retrouver le type qui a emprunté les livres d'une liste précise ? Un "index" de livres est assez facile à produire et les gens qui lisent K. Marx sont tous des communistes actifs dangereux à surveiller... Ou le fait que les gens qui utilisent le cryptage, Tor ou TrueCrypt sont des criminels. Il est amusant, d'ailleurs, de voir comment la société traite les gens qui ont eu le courage de dénoncer des comportements secrets, cachés de ces mêmes gouvernements qui appliquent la surveillance de masse. Alors qu'on devrait tous les remercier et leur remettre une médaille pour nous pousser à l'amélioration.

Un dernier point, c'est le changement. On oublie toujours le changement. Aujourd'hui, j'ai écrit sans honte aucune sur ce blog que je suis naturiste. Militant. Doublé d'un sale écologiste, plus ou moins gaucho tendance anarchie molle. Demain, on peut très bien avoir un gouvernement bien brun qui décide de se débarrasser de ceux-ci (c'est déjà arrivé). Ou des gays. Ou des roux. Ou des gauchistes. Ou des amateurs de pizza. Ou des gens qui disent "nonméalokoi" (mais pour ces derniers c'est parce que j'aurai pris le pouvoir). Et ce jour là, on aura mis à disposition tout un tas de beaux outils... Comme la France a vendu à un certain dictateur Lybien...

L'auteur conclut qu'il sera difficile de prévenir la collecte de l'information mais, qu'en fait, le vrai problème résidant dans leur usage, il manque des instances de limitation de ces usages. Tout comme les écoutes téléphoniques doivent avoir été autorisées par des magistrats (sans trop de succès au vu des affaires régulières des fadettes qui surgissent dans Le Canard Enchaîné). La CNIL n'a presque aucun pouvoir. Il existe des instances populaires qui se placent en contre pouvoir, mais ça reste trop peu : les journaux, d'abord. Après, des gens comme EFF ou la Quadrature du Net ou encore Wikileaks, Pirate Bay, etc.

Lisez ces 28 pages.

mercredi 17 octobre 2012

Dans la joie jusqu'au cou

Hier soir, je me suis relu un classique des classiques en bande dessinée. Une classique méconnu, hélas. On se demande pourquoi. Les débuts de Griffo au dessin, qui donnera quelques œuvres géniales un peu plus tard, avec Dufaux, mais qui a ici un dessin qui n'est pas sans rappeler le style graphique de Watchmen, dont il faudrait que je cause un jour. Van Hamme au scénar, connu pour plein d'autre choses mais qui signe ici une histoire écrite à l'encre de la colère.



Dans un futur très très proche (et un peu passé, même, vu l'âge de la BD) le gouvernement a tout amélioré. La médecine est gratuite pour tous. Par contre, il y a une police médicale qui veille à ce que vous preniez bien toutes les précautions pour pas devenir malade, avec contrôle réguliers et amendes. Tout le monde a droit à un mois de vacances gratuites mais sans pouvoir choisir où ou quand et le bonheur y est obligatoire, sous peine de punitions. Tous vos fichiers sont centralisés, mais au moindre problème, vous n'existez plus et devenez un illég', un non-être. La justice, elle est fournie par un ordinateur centralisé qui ne se trompe jamais. Ou presque.

Un futur parfait, idéal, magnifique... cauchemardesque. Et la conclusion en est terrible.

Bien sûr, c'est très très très inspiré de 1984 d'Orwell. Je dirais même que SOS Bonheur est une mise en BD, avec quelques idées nouvelles, de ce qui fait le fond de 1984. Et c'est super bien fait. On ne peut attendre moins de l'excellent collection Aire Libre.

Alors, si vous voyez l'intégrale ou les volumes séparés de cette BD dans une brocante ou un magasin (l'intégrale reste dispo), jetez-vous dessus.

SOS Bonheur - 3 volumes ou 1 intégrale de Griffo et Van Hamme, chez Dupuis/Aire Libre
ISBN n°9782800126395

lundi 8 août 2011

C'est dans les vieilles baignoires...


Délicieux ouvrage kafkaïen en diable, un homme anonyme a été envoyé dans un complexe militaire ultra-protégé, l'Edifice, afin d'y accomplir une mission. Cependant, livrant une guerre sans merci à l'ennemi, particulièrement vicieux, à s'avoir l'Anti-édifice, ses instructions sont codées. On suit le héros du roman dans les déboires sans fin qu'il subit pour obtenir ses fameuses instructions, chiffrées pour éviter les interférences d'agents doubles, triples, quadruples voire quintuples. Pour les lui déchiffrer, on commence par les brûler. Ensuite, on lui vole le peu d'informations qu'il a récupérées, sous la forme d'un classeur. D'ailleurs, les gens lui disent ils la vérité ? Une mouche noyée dans son thé est-il un message secret, un signe, un indice ? Le héros se perd désespérément dans ses multiples tentatives visant à déjouer les doubles, triples et quadruples bluff qu'il subit dans une administration tentaculaire devenue folle et complètement refermée sur sa paranoïa paperassière. Il en vient même à douter de la sincérité des décès auxquels il assiste. Après tout, un agent totalement dévoué à sa cause pourrait très bien donner sa vie pour une volonté supérieure... Naïf au début, le personnage s'enfonce dans la suspicion, le doute et la paranoïa...

Lumineux et insolent, cet ouvrage se termine dans un grand ricanement grinçant de l'auteur, qui dénonce de manière jouissive la paranoïa de la Guerre Froide mais aussi des comportements finalement très actuels sur les notions de culpabilité, de délation et de surveillance en démontrant que ces mécanismes sont sans fin. Le BigBrotherisme actuel tourné à la moulinette de la pente savonneuse, poussant la surveillance jusqu'à un paroxysme de complexité et de bétise. Un des personnages constate même qu'à force d'avoir dans chaque camp des infiltrés du camp opposé, les deux camps ne sont plus devenu qu'un seul et même camp, entièrement composé de traîtres, retournés tant de fois qu'aucun ne sait plus vraiment pour qui, finalement, il trahit, au juste.

Inspiration principale, d'ailleurs, du jeu de rôles "Paranoïa", cet excellent livre est à ranger dans sa bibliothèque entre 1984 d'Orwell, Catch-22 de Heller* et Le Procès de Kafka. Un must-read malheureusement bien difficile à trouver.

Mémoires trouvés dans une baignoire de Stanislaw Lem
en occasion chez Calmann-Levy, Pocket et Le Livre de Poche
ISBN n°978-2702100356
PS : merci à Noosfère pour l'image.
* : dont il faudra que je parle aussi, tiens.

samedi 14 mars 2009

Grand Frère te surveille, c'est pour ton bien

En ces périodes de loi Hadopi, de rétention de sûreté, de vidéo surveillance, d'analyses ADN, comment ne pas causer un peu de Georges Orwell ? C'est d'autant plus d'actualité qu'à la fin de l'année dernière a paru un petit recueil de textes pour le moins essentiels du grand homme.

Orwell est surtout connu de par le monde pour son immense livre 1984, ainsi que pour La Ferme des animaux. 1984 est un ouvrage visionnaire, qui a inspiré énormément de livres, de films et d'ouvrages. Big Brother est devenu le cliché de la surveillance, au point de donner naissance, assez ironiquement, à un genre d'émission de télé proprement navrantes.

A Ma Guise - Chroniques 1943-1947
de Georges Orwell chez Agone
ISBN n° 978-2-7489-0083-5

Entre 1943 et 1947, Orwell va tenir une chronique hebdomadaire où il peut écrire sur ce qui lui chante, d'où le titre du recueil qui les rassemble. Le journal qui les publie, Tribune, est un journal de la gauche radicale britannique, où Orwell vient de rentrer en tant que directeur littéraire après un long séjour à la BBC qu'il a mal vécu. Il restera à Tribune jusqu'en 1945, mais continuera encore de publier sa chronique hebdomadaire jusqu'en 1947. Toutefois, la publication des textes est interrompue pendant de long mois vers 1946.

Puisqu'il a les coudées franches, Orwell y parle vraiment de tout ce qui lui passe par la tête : de rosiers, de V2, des nouvelles dans la littérature anglaises, de politique, etc. Ces nombreuses chroniques donnent, au travers des nombreux sujets couverts, une vision très étendue de la mentalité britannique dans les années qui ont suivi le Blitz, et du fonctionnement de la société. Qu'Orwell peste contre le déclin de la nouvelle, la difficulté de se procurer un produit ou qu'il encense un recueil de poésie, il crée un tableau pointilliste de cette société britannique calcifiée qui va grandement changer en quelques années.

Le plus intéressant est de voir dans ces multiples chroniques toutes les graines de 1984 : la structuration de la société, la surveillance, le va-t-en-guerre, la peur de l'autre, le stalinisme, etc. En donnant son opinion sur toutes sortes de sujet, Orwell nous donne les clefs de la compréhension de son plus célèbre roman.

Utilité au lecteur de gauche :
  • C'est un ouvrage essentiel pour comprendre Orwell et aborder 1984 avec le même oeil que son auteur
  • Il donne une vision lumineuse de la société anglaise pendant et juste après la seconde guerre mondiale
  • Il montre les fondements et le fonctionnement des luttes sociales anglaises de l'époque du point de vue de l'auteur
Et puisque je parle de toute cette surveillance moderne, c'est l'occasion de parler des Big Brother Awards, dont le rapport d'activité a paru l'an dernier. Quis custodiat ipsos custodes ? demandait ironiquement Juvenal. "Qui garde les gardiens ?" ou "Who watches the watchmen ?" puisque c'est là aussi d'actualité.
Ces dernières années ont vu l'arrivée à grande vitesse de nombreuses technologies et loi dédiées à la surveillance des êtres humains. Difficile de ne pas laisser traîner partout des petits cailloux blancs dans les fichiers informatiques de toute la société. La CNIL est de plus en plus un organisme relégué, ignoré, aux bases rongées au fur et à mesure des années.

"Je ne veux pas me faire ficher, estampiller, classer ou déclasser puis numéroter ! Ma vie m'appartient !" disait le n°6 (P. McGoohan) dans la série Le Prisonnier

Ce n'était pourtant que les années 60. Combien de fois sommes nous numérotés, entre la sécurité sociale, les identificateurs, le numéro de cartes d'identité ou de passeport, les numéros de compte en banque, l'adresse Mac de notre ordinateur, l'identificateur de notre passe Navigo ou que sais-je encore ? Il faut s'y faire, nous sommes des numéros. Et ce même sans parler du STIC, de EDVIRSP (ex EDVIGE) et autres fichages.

Big Brother Awards - Les Surveillants Surveillés
par l'équipe des Big Brother Awards chez Zones
ISBN n°978-2-35522-014-2

Les Big Brother Awards sont un jury qui, chaque année depuis 2000 décernent des prix à celles et ceux, personnes ou organismes, auront fait le plus avancer la société vers celle décrite dans 1984. Et il faut avouer qu'actuellement, avec un ministère dont le nom est carrément en novlangue, les frontières se "floutent" sévèrement.

Les prix Orwell sont remis par catégories :
- Ensemble de son oeuvre
- Etat et élus
- Entreprise
- Localités
- Novlang
- Prix Voltaire (qui, inversement, récompense ceux qui luttent contre ces dérives)
- parfois "Mention spéciale"

Le prix Orwell est une botte écrasant un visage, qui provient de la célèbre phrase d'Orwell sur sa vision de l'avenir (" Si vous voulez une image du futur, imaginez une botte écrasant un visage humain, pour toujours").

Le livre est un recueil d'articles sur les technologies et loi de surveillance, les activités de la CNIL, les raisons pour lesquelles M. Sarkozy ne peut plus être nominé à ce prix, les prix remis année par année et les raisons pour lesquelles ils ont été remis.

Le constat est effrayant. L'esprit ne ressors pas indemne de la vision de l'avenir que réclament à grands cris société, lobbies, politiques, élus. Jamais la série "Le Prisonnier" n'a été, finalement, une telle source d'inspiration pour imaginer l'avenir qu'on souhaite pour nous. L'écoeurement point assez vite, la colère et la rage aussi. Je vous invite à aller voir la liste des nominés année par année, qui indiquent les raisons des nominations. MKULTRA était le passé, un passé délirant. L'avenir est moins dément, mais tellement plus efficace, avec une approche tellement plus ... holistique.

"Unlike me, many of you have accepted the situation of your imprisonment, and will die here like rotten cabbages." - le N°6 (Contrairement à moi, beaucoup d'entre vous ont accepté leur emprisonnement et mourrons ici comme des choux pourris.)

Utilité au lecteur de gauche :
  • Ce livre donne un panorama des dérives sécuritaires de notre société. C'est un parfait résumé de tout ce qui a été tenté entre 2000 et 2007, et ça donne une vision de ced que l'avenir nous réserve si nous laissons faire.

Bonjour chez vous.