vendredi 30 octobre 2009

Fantasmes d'acier

Norman Spinrad est un mec qui a de l'humour, tout comme Roland C. Wagner, qui signe la préface de son livre. J'ai beaucoup aimé les ouvrages de Spinrad que j'ai lus, mais celui-là, je dois avouer que je l'ai lu en diagonale au bout d'un moment. Ce n'est toutefois pas une raison pour laquelle je l'aurais trouvé mauvais... Bien au contraire, j'ai beaucoup aimé, une nouvelle fois, même si j'aurais tendance à prévenir un éventuel lecteur de la manière suivante : "si ça te gonfle, lis le en diagonale afin d'arriver à la postface."

Il s'agit d'un ouvrage qui a fait couler de l'encre bilieuse dans les rares fanzines de SF en son temps :
Rêves de Fer de Norman Spinrad
chez Folio SF
ISBN : 2-070320-52-9
(Je mets exprès la vieille couv de chez Opta, plus "significative" :)


A l'époque où Rêve de Fer est paru, nombre d'ouvrages de SF évoquaient des univers galactiques ou post-apocalyptiques avec des systèmes gouvernementaux à base d'empire, d'eugénisme etc. qui ne démordaient pas d'une certaine fascination, voire d'une certaine apologie de leurs sujets. Spinrad ne fait au final qu'écrire un roman de cette lignée, mais basé sur le nazisme, démontrant par l'absurde et l'ironie à quel point les fascination des auteurs de SF des années 50-60 pouvaient parfois avoir des cotés malsains.

Le livre de Spinrad cache derrière sa couverture un vrai-faux roman d'un autre auteur : intitulé "Le Seigneur du Svastika", on lit le dernier livre d'un obscur auteur de Science Fiction, émigré en 1919 d'Allemagne aux USA, à savoir Adolf Hitler. "Le Seigneur du Svastika" est donc un roman racontant l'accession au pouvoir puis la guerre d'agression pour l'espace vital et la pureté génétique de son héros, Feric Jaggar. Le roman est assez mal écrit, rempli des obsessions malsaines de son auteur.

Feric Jaggar est un 'purhomme', l'un des derniers représentants du génotype humain au milieu de tous les mutants que la radioactivité due au "Feu des Anciens" a généré. Il va à la république de Heldon, bastion de la pureté génétique humaine, où il prend la tête d'un petit parti, par lequel il prend le pouvoir à Heldon. Prônant la pureté génétique par tous les moyens et la purification des mutants, il emmène sa patrie sur le sentier de la guerre pour conquérir la planète et la nettoyer de tous les mutants, en commençant par l'Empire de Zind, à la tête duquel les vils Dominateurs, qui contrôlent par l'esprit les purhommes comme les mutants. Jaggar ne doute jamais, a toujours la solution pour tout et n'hésite pas à réclamer massacres, génocides ou parades militaires pour satisfaire à ses objectifs.

Ce qui est amusant, c'est qu'il suit la vie du Hitler réel, mais comme si tout lui avait réussi et en allant jusqu'au bout de ses fantasmes. Cependant, la farce recouvre une réalité horrible et le lecteur ne rit pas, surtout à la mise en place de l'équivalent de la Solution Finale. L'ouvrage de Spinrad est l'inverse complet d'une apologie, la "postface" (de Spinrad elle aussi) ne laisse planer aucun doute, détruisant "Le Seigneur du Svastika" et contenant une condamnation claire et définitive du nazisme.

C'est une lecture au final extrêmement intéressante, avec une postface amusante, ainsi qu'un exercice rigolo. Si vous devez le lire, tenez bon jusqu'à la postface, car Spinrad écrit volontairement mal le vrai-faux roman, donc le lecteur finit par se lasser, au-delà même du sentiment de malaise. Cela met aussi sous un jour différent les romans à base d'empires galactiques parfaits qui compose un certain nombre de fleurons de la SF...

Un autre point, c'est qu'on a du mal à croire à la prise du pouvoir et des objectifs de Jaggar. Ca paraît complètement fantasmatique, or la réalité fut similaire (dans certaines limites). C'est une mise en lumière de l'adage "La fiction, par rapport à la réalité, se doit d'être vraisemblable", et ça ne le rend que plus inquiétant...

Edit mai 2012 : Les corbeaux en parlent.

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