lundi 5 septembre 2011

Du béton dans la tête

C'est un domaine à la fois aussi intéressant que mal défini que la Psychogéographie. Même s'il n'est pas inventeur de la discipline, c'est ce bon vieux Guy Debord qui créa le nom, accompagné d'une définition tout à fait situationniste. Et une fois le concept mis en place ? Rien. Ou si peu. Pourtant, nombre d'études et de romans ne se réclamant pas de la psychogéographie semblent pourtant y émarger et certains des concepts auxquels elle a donné naissance pourraient peut être être exploités à nouveau. Ou plutôt, certains études tatonnant autour du sujet pourraient tenter de s'y plonger.

La Psychogéographie, selon Debord, c'est "l'étude des lois exactes, et des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus." Entre autre choses, c'est l'influence bien sensible des quartiers et de la ville, en tant qu'entité vivante, sur les gens qui y vivent. L'effet de l'ensemble sur la partie.

"Psychogéographie !", si on a déjà un peu la ville comme intérêt littéraire, est finalement assez peu intéressant, car le bouquin est surtout, pour le dire méchamment, une bibliographie d'ouvrages accompagnée de commentaires. C'est pas trop mal écrit, certes, mais assez peu transcendant. Par contre, si vous aimez la Ville, la bibliographie est une perle : "Rue des Maléfices" (Yonnet), "Paris Insolite" (Clebert), "London Orbital" (Sinclair), etc. sont des ouvrages à avoir lu absolument!

Au-delà de l'ouvrage, je crois que c'est vraiment la notion même de psychogéographie qui gagnerait à être creusée. Suivant comment on la découvre, une ville a un visage ou un autre. On sent bien que les quartiers ont des ambiances variées, et les grands projets d'urbanisme à l'ancienne, qui ne tiennent que rarement compte de ce genre de spécificités, ont une forte tendance à l'échec - je songe à toutes ces utopies urbanistes de HLM-ville - donnant des résultats parfois opposés à l'objectif escompté. La cartographie d'une ville, souvent limitée à ses réseaux, ne tient aucun compte des facteurs psychologiques (ambiances, cultures, etc.), là où un visiteur du Moyen Age dans une ville n'avait aucun plan et se créait donc mentalement une image qui lui était personnelle basée sur un ressenti et un vécu. Une vision donc totalement différente de la ville. Les explorateurs urbains, ces gens qui visitent les recoins abandonnés, mystérieux ou négligés d'une ville, par exemple, ont une vision de la ville fort différente de celle du cadastre...
Nombre de romans, fantastiques ou non, prenant les villes pour cadre ont des similitudes dans la présentation d'une ville pour la rendre vivante, clefs et vecteurs pouvant provenir d'une application inconsciente de règles de construction d'une ville vivante, si souvent comparé à un organisme : Neverwhere (Gaiman), Yama Loka Terminus (Henry/Muccielli), Perdito Street Station (Miéville). D'ailleurs, ce sont souvent des villes semblant bien plus vivantes que celles trouvées dans les livres de SF des années 50, où la logique et la science s'expriment à plein régime.

Un livre que je conseillerais à qui veut découvrir la notion. Je pense franchement que nos conseils municipaux devraient s'y pencher un peu plus. Je ne pense pas me tromper en me disant qu'ils le font déjà plus ou moins, étant donné que les plans d'urbanismes rencontrent régulièrement le mur de l'association de riverains et de la future échéance électorale.

Psychogéographie! de Merlin Coverley,
chez Les Moutons Electriques ISBN n°978-2-36186-060-1

Edit : Le Paris Insolite de Clebert vient de sortir en poche (juin 2012)

6 commentaires:

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  2. Guy Debord pratiquait la "dérive". Il s'agit de marcher, mais sans but. Je pratique beaucoup. Parfois même à vélo.
    http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9rive_%28philosophie%29

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  3. hop, je le remets avec, normalement, la jolie image :
    Une autre excellente façon de découvrir une ville (Paname, par exemple ;-)), c'est de ne plus jamais prendre le métro, mais de marcher, et marcher uniquement. On s'exclut ainsi du rythme affolant de la ville, et la « distorsion » est plutôt intéressante ☼

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  4. Je rajouterais à ta biblio "The City & The City" du même China Miéville, qui est juste énorme de ce point de vue.

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  5. Faut que je le lise. Mais y'a des trouzaines de bouquins à lire : Le Vin des Rues, Tourville, ... La biblio du bouquin est vraiment LE point chouette de ce Psychogréographie!

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