lundi 8 août 2011

C'est dans les vieilles baignoires...


Délicieux ouvrage kafkaïen en diable, un homme anonyme a été envoyé dans un complexe militaire ultra-protégé, l'Edifice, afin d'y accomplir une mission. Cependant, livrant une guerre sans merci à l'ennemi, particulièrement vicieux, à s'avoir l'Anti-édifice, ses instructions sont codées. On suit le héros du roman dans les déboires sans fin qu'il subit pour obtenir ses fameuses instructions, chiffrées pour éviter les interférences d'agents doubles, triples, quadruples voire quintuples. Pour les lui déchiffrer, on commence par les brûler. Ensuite, on lui vole le peu d'informations qu'il a récupérées, sous la forme d'un classeur. D'ailleurs, les gens lui disent ils la vérité ? Une mouche noyée dans son thé est-il un message secret, un signe, un indice ? Le héros se perd désespérément dans ses multiples tentatives visant à déjouer les doubles, triples et quadruples bluff qu'il subit dans une administration tentaculaire devenue folle et complètement refermée sur sa paranoïa paperassière. Il en vient même à douter de la sincérité des décès auxquels il assiste. Après tout, un agent totalement dévoué à sa cause pourrait très bien donner sa vie pour une volonté supérieure... Naïf au début, le personnage s'enfonce dans la suspicion, le doute et la paranoïa...

Lumineux et insolent, cet ouvrage se termine dans un grand ricanement grinçant de l'auteur, qui dénonce de manière jouissive la paranoïa de la Guerre Froide mais aussi des comportements finalement très actuels sur les notions de culpabilité, de délation et de surveillance en démontrant que ces mécanismes sont sans fin. Le BigBrotherisme actuel tourné à la moulinette de la pente savonneuse, poussant la surveillance jusqu'à un paroxysme de complexité et de bétise. Un des personnages constate même qu'à force d'avoir dans chaque camp des infiltrés du camp opposé, les deux camps ne sont plus devenu qu'un seul et même camp, entièrement composé de traîtres, retournés tant de fois qu'aucun ne sait plus vraiment pour qui, finalement, il trahit, au juste.

Inspiration principale, d'ailleurs, du jeu de rôles "Paranoïa", cet excellent livre est à ranger dans sa bibliothèque entre 1984 d'Orwell, Catch-22 de Heller* et Le Procès de Kafka. Un must-read malheureusement bien difficile à trouver.

Mémoires trouvés dans une baignoire de Stanislaw Lem
en occasion chez Calmann-Levy, Pocket et Le Livre de Poche
ISBN n°978-2702100356
PS : merci à Noosfère pour l'image.
* : dont il faudra que je parle aussi, tiens.

3 commentaires:

  1. Stanislas Lem est un super auteur de S.-F., un écrivain majeur :-) "Mémoires trouvés dans une baignoire" s'achète d'occaz, mais assez cher. Pour les Parisiens, on peut l'emprunter gratuitement dans les bibli municipales de Clignancourt et au Troca (je viens de vérifier). Comble du bonheur, il est aussi présent dans la réserve centrale, ça signifie qu'on peut le faire venir dans n'importe quelle bibli de quartier. C'est un service gratuit, bien sûr, et en plus, ça redonne une chance au livre : s'il reste trop longtemps à la réserve centrale sans être emprunté, il est "éliminé", il sort du catalogue :-(
    Faites une bonne action : empruntez cet ouvrage, c'est forcément bien : il est recommandé par Lectures Libres ! ☼

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  2. [EDIT] Il est à 0.90 € sur Price Minister + 3 € de FdP ☼ [/EDIT]

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  3. :)

    Le service des biblios parisiennes est une petite merveille :)

    Par ailleurs, je cherche le livre d'où est tiré une citation de ce genre (de mémoire) : "Quand vous venez de tuer quelqu'un, vous venez de mettre un point à la discussion. Les arguments sont clairement posés. Quelque part, c'est à lui de faire le premier pas..."
    Si quelqu'un a le titre/auteur, je suis preneur...

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