jeudi 10 juin 2010

Tout bon anarchiste se devrait d'être nudiste

Et c'est ici que je perds mes rares lecteurs. Hihihi. 


Et le tisserand dit : "Parlez-nous de Vêtements"
Et il répondit : Vos vêtements dissimulent beaucoup de votre beauté, mais ils ne cachent point ce qui n'est pas beau.
Et bien que vous recherchiez en vos habits le sceau de votre liberté, il se peut que vous y trouviez un harnais et une chaîne.
Puissiez-vous accueillir le soleil et le vent avec plus de votre peau et moins de vos vêtements.
Car le souffle de la vie est dans le soleil et la main de la vie est dans le vent.
Il en est qui disent: "C'est le vent du nord qui a tissé les robes que nous portons".
Et je dis : Oui, c'est le vent du nord, mais la honte fut son métier et l'amolissement des tendons son fil.
Et son travail achevé, il rit dans la forêt.
N'oubliez pas que la pudeur n'est qu'un bouclier contre l'oeil de l'impur.
Et quand l'impur ne sera plus? Que sera la pudeur sinon une chaîne et une souillure de l'esprit?
Et souvenez-vous que la terre se réjouit de sentir vos pieds nus et que les vents joueraient volontiers avec vos cheveux.
 
~Kahlil Gibran.

Si j'en crois Chomsky, "l'anarchisme est un mouvement de la pensée et de l'action humaine qui cherche à identifier les structures d'autorité et de domination, à leur demander de se justifier et, dès qu'elles en sont incapables, ce qui arrive fréquemment, à tenter de les dépasser."

A partir de là, on peut se poser la question du vêtement lorsqu'il n'est pas indispensable (pour se protéger du froid, d'éraflures, ce genre de choses). Dans ce cadre précis, la structure d'autorité et de domination est bien pire car elle n'est pas directement identifiable : c'est notre éducation, c'est la pression de nos pairs. La loi n'en est que le reflet. Les naturistes le prouvent depuis plus de 100 ans, oui, on peut dépasser cette structure de domination et d'autorité qu'est le vêtement.

De mon point de vue personnel, dans un sens de civilisation, je suis de la même opinion que la constitution espagnole actuelle : les gens devraient avoir la liberté vestimentaire. Et dans l'idéal, personne ne prêterait attention au vêtissement des autres. Et c'est là que se situe l'essentiel du problème. Le problème est que notre propre comportement à nous, et reflété dans notre société, est de juger les autres et de vouloir forcer tous les autres humains à se rallier à une normalité qui est "ce que je fais moi". Bref, on juge et condamne, naturellement et inconsciemment, les comportements qui ne sont pas les nôtres.

Ecoutez-vous parler, des fois. Il m'arrive des fois de dire des horreurs qui me répugnent après coup, mais qui sont parfaitement acceptées dans notre société : rire d'une personne habillée différemment, évoquer les tatouages, les strings qui dépassent des pantalons, le maquillage, peu importe, d'un autre être humain de manière négative. Au final, on génère, nous même, une pression sociale, sans s'en rendre compte, répugnante de condescendance, de mesquinerie, de violence. Dire d'une nana légèrement vêtue "c'est un appel au viol" : et quoi ? Tous les êters humains sont des violeurs en puissance ? Quelle médiocrité de notre propre espèce. Il faut croire que la haine profonde, inconsciente parce que atavique, du corps humain est fondamentale. On se plaint souvent, aussi, de la surutilisation des corps de femmes dénudés pour vendre n'importe quoi, du slip à la photocopieuse. Mais ce n'est pas vraiment l'usage, qui est condamnable, que le fait que cela marche. Tant que les gens réagiront positivement à ce signal, les pubards continueront de l'utiliser. Eduquer un pubard, c'est vouloir éduquer un pied de chaise. Par contre, je garde espoir qu'on puisse un jour enseigner à la population que tout le monde est fait d'une tête, deux bras, deux jambes, un torse et un sexe. Tout le monde. Ce n'est finalement que le refus insconscient de ce fait qui amène le résultat actuel, avec une population plus que jamais mal dans sa peau, qui ricane bêtement ou hurle ou mate ou proteste dès que y'a un bout de peau qui dépasse ou un bout de tissu pas à sa place (d'ailleurs, le bout de peau qui provoque change régulièrement au cours de l'histoire).

C'est avec ces idées en tête, et l'abondante littérature anarchiste au sujet du nudisme, que j'ai abordé ce livre.





Le Bonheur D'Être Nu : Le Naturisme, Un Art De Vivre, de France Guillain
chez Albin Michel
ISBN n°978-2-226093-54-7

Le bouquin de France Guillain, pour aussi enthousiaste qu'il soit, est écrit de manière lisible, avec des chapitres découpés clairement. Elle y retrace à la fois sa propre vision du naturisme (qui pousse plus loin la réflexion sur la nudité avec des considérations d'hygiène de vie), mais elle part parfois dans des considérations assez annexes, ou des assertions avec lesquelles j'ai du mal à être d'accord.
Toutefois, la totalité est intéressante à lire et réponds à pas mal de questions que j'ai pu me poser sur le sujet. Elle répond principalement aux questions sociologiques (pourquoi ? comment ?) et aux questions que les gens se posent quand le sujet est abordé (questions généralement posées avec force ricanements).

Au final, le bouquin m'a apporté des réponses, certes, mais n'est guère qu'un point de départ sur ma réflexion alimentant le début de ce message, c'est à dire notre comportement de meute en matière de juger négativement ceux qui sortent de notre groupe. On nous as éduqués à ne pas juger certains critères (couleur de peau, religion, etc.) mais il nous reste un long, très long chemin à parcourir pour ce qui est d'arrêter, tout simplement, de juger les autres sur leur vêtement et leurs caractéristiques physiques. Aussi bien positivement que négativement, d'ailleurs. Non, un mec en costard de marque n'est pas forcément un type bien/riche/agréable, par exemple. Mais la tendance actuelle de vouloir servir de publicité ambulante à des logos relève du même mécanisme : "je suis ce que je porte".
Bref, il me semble que tout anarchiste devrait sauter le pas. Sans forcément adhérer à la totalité des valeurs naturistes, qui ont parfois des vieux relents d'angélisme désuet.

Mais, ô mes rares lecteurs, la prochaine fois qu'il vous prendra l'envie de pester contre un dénudement ou ricaner du vêtement d'une personne, posez-vous quelques questions sur vous-mêmes. "De quel droit est-ce que je me moque d'un autre être humain ?" "Si je peste, n'est-ce pas que ce dénudement m'a fait réagir ? Pourquoi ?"

5 commentaires:

  1. En fait, plus j'y pense, plus je pense que c'est une histoire de fainéantise.

    Les gens préfèrent la religion, parce que ça permet de ne pas réfléchir. La couleur de peau, l'apparence générale, les vêtements, ce sont des conventions sociales qui permettent de juger des gens sans avoir trop à réfléchir.

    Pas que ce soit une mauvaise chose, note; personnellement, je suis une grosse feignasse et je suis assez pour les choses simples. La question est de savoir jusqu'à quel point on peut aller pour se simplifier la vie.

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  2. Je pense que tu as raison en partie. Mais ça ne suffit pas. On a pu s'éduquer, partiellement, sur certains critères. Pourquoi pas les autres ?

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  3. C'est un processus, il n'est pas terminé.

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  4. (à la lecture du titre) : car il existe de mauvais anarchistes ?
    ;-)

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  5. @Ivy : oui. Les anarcho-capitalistes (drapeau noir et jaune comme le foie). http://fr.wikipedia.org/wiki/Anarcho_capitalisme

    L'application des prémisses de leurs idées, soutenues sans dire leur nom par tous les cuistres économo-éditorialistes, a mené aux diverses crises actuelles. Qu'est-ce que l'anarcho capitalisme sinon un faux nez de l'ultralibéralisme ?

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